De l’air vite ! Vite !
L’année Chopin … L’industrie de la musique enregistrée manifeste un amour démesuré pour la musique de Chopin. Inventaire de début d’année : l’intégrale des Valses par Ingrid Fliter (EMI, fortement recommandée : cette pianiste argentine s’affirme de toute évidence comme l’une des grandes personnalités du piano d’aujourd’hui : jeu frais, incroyablement bondissant, toujours plein d’esprit.
En revanche, l’interprétation des mêmes Valses par Alice Sara Ott, déjà signataire d’une intégrable marginale des Etudes d’exécution transcendante de Liszt pour DG Japon, se signale par des maniérismes assez insupportables dans l’univers de Chopin – et sans doute aussi dans tout autre : ralentis constants, phrasés dépourvus d’imagination, recherche constante de l’effet, bref une absence totale de simplicité qui détruit la poésie tout en finesse de ces pages éternelles.
Mais aussi : les deux Concertos par Rafal Blechacz et l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam sous la direction de Jerzy Semkow (décevants, un tant soi peu routiniers), des récitals d’Anne Queffélec (Mirare, un peu passe-partout), Etsuko Hirose (Mirare), Edna Stern (Naïve, parution mars), les Nocturnes par François Chaplin (Zig Zag Territoires), Nelson Freire (Decca, parution 8 mars), une nouvelle version des Mazurkas de Jean-Marc Luisada (RCA, annoncé pour avril).
On puise également dans les archives, connues (des coffrets Samson François chez EMI, Artur Rubinstein chez EMI et Sony, un coffret Kissin chez RCA) ou plus rares : un récital entier de Martha Argerich dédié à Chopin composé de bandes radios allemandes), un double album avec des interprétations rares de Friedrich Gulda réalisées en studio (Decca/DG), ou encore cette Troisième Sonate par Danielle Laval (1970, inédit complet).
Côté musique de chambre, un récital d’un jeune violoncelliste chez EMI, Andreas Brantelid (Trio, Sonate), du Trio Chausson (Mirare), et la Sonate pour violoncelle et piano par Neuburger et Vassilieva (Mirare).
Vous croulez ? Vous saturez ? Normal.
Or, 2010 reste également l’année Pergolèse – bravo à Claudio Abbado pour sa série en trois volumes dédié au compositeur italien chez Deutsche Grammophon, enfin une œuvre de bienfaisance ! – , et plus encore l’année Schumann, compositeur qui, une fois encore, subira une nouvelle fois les frais d’une médiatisation acharnée de l’œuvre de Chopin – allez, courez à la Folle Journée de Nantes ! Mahler également et son 150e anniversaire de sa naissance.
À quoi riment tant de sorties Chopin ? Le marché de la musique peut-il encore absorber tant de parutions aussi semblables ? Naturellement, comment cracher sur la parution d’un récital Chopin d’Argerich ou une intégrale des Nocturnes par Nelson Freire ? Cependant, de la grande Martha, le mélomane connait déjà deux interprétations en studio de la Troisième Sonate, dont l’une simplement magique chez EMI – enregistrée en 1965, et l’autre chez Deutsche Grammophon dans les années 1970. Cette nouvelle version trouvera-t-elle réellement son public ? Les aficionados sans doute, mais rien n’affirme qu’ils en deviennent vraiment satisfaits. De même, Nelson Freire enregistre les Nocturnes, peu de temps après le propre enregistrement de Maurizio Pollini chez Deutsche Grammophon.
Pourquoi Nelson Freire ne veut-il pas se consacrer plutôt à Ibéria d’Albéniz, voire nous proposer un récital de pièces de Villa-Lobos, ou encore poursuivre son exploration debussyste ou brahmsienne ? Mystère ! Quant à moi, j’ai pris ma décision : sur ce blog, il ne sera plus question de Chopin jusqu’au 1er janvier 2011, et sans doute pas non plus après. De l’air vite ! Vite !…
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