Vilde Frang est une jeune violoniste d’origine norvégienne, qui vient tout juste de signer un album chez EMI Classics, dédié aux Concertos de Sibelius et Prokofiev (Premier), avec Thomas Søndergård à la tête du WDR-Sinfonieorchester Köln.
Toute nouvelle version du grand chef-d’œuvre concertant de Sibelius ne saurait m’échapper – et oui, l’auteur de ces lignes est vissé à l’univers sibélien, sans pouvoir s’en démordre. Que peut nous apprendre aujourd’hui une jeune violoniste actuelle de vingt-deux ans, en regard de la discographie du Concerto de Sibelius, énorme, et de plus très qualitative ? Tout de même beaucoup de choses.
L’énoncé du thème initial, très tendu, et en même d’une nudité déconcertante – comme si cet instrument qu’est le violon se dépouillait de tout sa dimension (intrinsèquement) harmonique – rompt avec la perception couramment admise que le Concerto de Sibelius est un concerto romantique (Brahms, Bruch, Tchaïkovski). En réalité, cette nouvelle version du Concerto de Sibelius rappelle souvent l’ancienne version de Salvatore Accardo avec Colin Davis et le London Symphony Orchestra (Philips, 1979). En résumé : un agrégat de sonorités glaçantes, aucun désir de séduire, une architecture magistrale, et surtout un violon aux sonorités extrêmement diversifiées dans le but de traduire toute l’inventivité coloristique du compositeur (travail passionnant sur les hauteurs et les timbres par exemple). La cadence du violon dans le premier mouvement met magnifiquement en lumière la progression de la ligne que veut imposer la Norvégienne, tout en ruptures et en longues tenues : sans nul doute la violoniste, sobrement accompagnée ici par Sondergard, a parfaitement saisi la modernité de la langue sibélienne.
Vilde Frang impose une vision « nordique », brute, presque austère, sale comme les escarpements rocheux de Finlande, mais aussi lumineuse comme seule peut l’être le ciel sous les longitudes de cette région. Une version qui devrait certainement déconcerter par son absence apparente de séduction et plus que tout par son caractère versatile, insaisissable.
Cette passionnante version de Vilde Frang ne nous console cependant pas de l’indisponibilité de l’ancienne version de Tossy Spivakovsky, gravée en 1959 à Londres avec le génial chef finlandais Tauno Hannikainen et le London Symphony Orchestra (Everest)!
LE PROGRAMME DE L’ENREGISTREMENT
Jean Sibelius (1865-1957)
Concerto pour violon en ré mineur, Op. 47
Sergei Prokofiev (1891-1953)
Concerto pour violon No. 1 en ré majeur, Op. 19
Vilde Frang, violon
WDR-Sinfonieorchester Köln
Thomas Søndergård, direction
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Photo : (c) DR