1963 : Ansermet fête ses 80 ans. Il explore des répertoires dans lesquels, par bêtise sans doute, il était impensable de l’imaginer au disque. Ainsi des sessions consacrées à Wagner (novembre), Brahms (du 5 au 28 février pour les Symphonies, du 1er au 7 mars pour les deux Ouvertures et les Variations sur un thème de Haydn), Sibelius (Tapiola, Deuxième et Quatrième Symphonies, entre septembre et octobre), ou encore Respighi (Les Pins de Rome et Les Fontaines de Rome, du 18 au 26 janvier).
Les prises de son Decca sont incroyables de présence, d’espace, d’ampleur et de chaleur. Tous les répertoires enregistrés cette année-là et plus tard profitent indiscutablement de cette qualité technique superlative. L’Orchestre de la Suisse Romande, qu’on pouvait trouver parfois acide dans les premières stéréos (Apollon Musagète de Stravinski en 1955, Ma Mère l’Oye de Ravel en 1957, la Cinquième Symphonie de Beethoven en 1958), se transforme en un orchestre aux teintes rougeoyantes et automnales, même si dans ce disque Wagner, les limites de L’Orchestre de la Suisse Romande restent patentes : dans le Prélude de Lohengrin, les cordes sonnent court, avec un manque sensible de densité dans les registres aigus.
Et, alors que les bois (hautbois, bassons) entêtent par leurs sonorités mordorées, les cuivres, surtout les pupitres de trompettes et de trombones, caracolent parfois (Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg, Le Crépuscule des Dieux) et confèrent aux visions d’Ansermet une raideur ou une certaine vulgarité qui ne correspondent pas forcément à la volonté intérieure du chef, qui pense en réalité Wagner allégé, extrêmement doux, chatoyant et caressant (Prélude de Parsifal). Cette dichotomie fait regretter qu’Ansermet n’ait enregistré aucun disque avec l’Orchestre Philharmonique de Vienne.