Rameau et Cahusac avaient entrepris un Ballet Héroïque en trois entrées, Les Dieux d’Egypte, qu’ils s’apprêtaient à confier à l’Académie royale de musique, lorsque les Menus Plaisirs retinrent l’ouvrage pour le présenter à l’occasion des festivités célébrant les noces du Dauphin avec Marie-Joseph de Saxe. Exit Osiris mais point le Nil, Les Dieux d’Egypte se métamorphosèrent en ces Fêtes de l’Hymen et de l’Amour que la scène du Manège de la Grande Ecurie de Versailles verra paraître le 15 mars 1747.
Hervé Niquet a voulu apporter sa pierre aux célébrations du 250è anniversaire de la mort du dijonnais en enregistrant cette partition qui, sauf erreur, n’avait pas connu même partiellement les honneurs du disque.
Un ajout plus qu’une révélation, ces Fêtes n’ont pas les bonheurs ou les audaces de Zaïs ou de Pygmalion qui les suivront en 1748, et ses surprises vinrent plus des mouvements réglés en scène par Cahusac que de l’inspiration musicale d’une partition en restant à l’habileté, ce qui, le métier de Rameau considéré, nous vaut quantité de belles musiques qu’Hervé Niquet anime avec le caractère et les effets qu’on lui connaît. Ce qui suffirait presque à indiquer que le musicien et le librettiste songèrent dés cet opus à leur réforme de la tragédie qui aboutira avec Zoroastre.
Troupe de chant finement appariée, avec une mention spéciale pour Blandine Staskiewicz, Jennifer Borghi, Mathias Vidal et Tassis Christoyannis, chœurs et orchestre alerte, tour à tour charmeurs ou rageurs, l’entreprise est victorieuse, somptueusement offerte dans un disque-livre illustré de planches de l’époque, où se sont conjuguées la science du Centre de Musique Baroque de Versailles et la cassette du Palazetto Bru Zane.
Matthias Vidal, l’Aruèris des Fêtes, a quant à lui enregistré deux cantates, Orphée et Le Berger fidèle. Il se mesure à forte partie dans la première comme dans la seconde : Cyril Auvity avait gravé dans un disque monographique consacré à Orphée et publié chez Zig Zag Territoires une lecture plus dramatique, Véronique Gens avec style et émotion, subtilement secondée par Marc Minkowski, offert au Berger fidèle une autre dimension. Mais dans le cadre sans façon d’un programme Rameau où paraissent également les Deuxième et Cinquième Concerts joliment dansés par Violaine Cochard et ses amies d’Amarillis, les lectures de Vidal, où la langue claque, trouvent leur place.
On posait avec curiosité dans le lecteur le premier CD de l’intégrale des pièces de clavecin gravée par Ketil Haugsand à la Kammermusiksaal de Cologne en mai 2011. Qu’allait donc y tenter ce claveciniste, auteur en son jeune temps d’un ensemble Bach pertinent ? Il a fallu vite déchanter. Ce jeu raide, ces Sauvages prudents, ce son droit et dru, ces articulations abruptes que n’arrange guère un clavecin capté à la table nous font un Rameau uniment rageur, sans le grand geste et la variété de timbres et de sentiments qu’y dévoilait chez Zig Zag l’admirable et très large intégrale de Blandine Rannou. Donc, rien de nouveau pour le clavecin de Rameau !
LES REFERENCES DE L’ARTICLE
– Rameau, Les Fêtes de l’Hymen et de l’Amour – Solistes & Chœurs – Le Concert Spirituel, Hervé Niquet – Un double livre-disque Glossa GES 921629-F
– Orphée, Le berger fidèle (Cantates), 2è & 5è Concerts – Matthias Vidal, ténor – Amarillis – 1CD Naive V5377
– L’œuvre complète de clavecin – Ketil Haugsand – 2CD Simax PSC1345
Photo à la une : Statue de Jean-Philippe Rameau, sur la place Rameau, à Dijon (c) DR