Le disque a été moins prolixe pour les trois Quatuors de Schumann que pour tout autre du répertoire romantique. Depuis l’album des Cherubini et malgré la gravure ardente des Ysaÿe, on espérait en vain que ces trois Quatuors regroupés sous le même numéro d’opus trouvent leur messie parmi les jeunes formations.
Qui allaient les redécouvrir, les Modigliani, les Ebène, les Artemis ? Finalement ce sont les quatre lyonnais du Quatuor Hermès qui les élisent pour inaugurer leur collaboration avec La Dolce Volta. Inutile d’y aller par quatre chemins, ils les révèlent tout simplement, malgré les lectures si senties que le Quatuor Zehetmair avait proposé chez ECM des seuls Premier et Troisième. Si les musicologues s’entendent pour considérer le Troisième comme un chef-d’œuvre, les deux premiers sont en général joués dans son ombre, sacrifiés sur l’autel d’un certain formalisme.
Leur sens du discours éclate sous les archets des Hermès, du si classique la mineur, où Schumann semble vouloir résumer l’âge d’or du quatuor du premier romantisme, aux audaces harmoniques qui donnent sa couleur sombre et son ton aventureux au la majeur en passant par ce qui constitue selon nous le sommet de ce disque, leur lecture lyrique, on voudrait presque écrire vocale, du fa majeur.
Le souvenir de Mendelssohn vient y donner des ailes aux idées de Schumann, tout y chante éperdument dans des modulations dorées que les Hermès détaillent avec volupté sans pourtant jamais oublier la ligne derrière le lacis polyphonique, ni l’émotion.
On admire l’équilibre des timbres, la tendresse des échanges, la virtuosité sans ostentation d’un Allegro molto conclusif fusant, cette vraie plénitude chambriste dont le grain si chaleureux est capté à la perfection par une balance naturelle. Il est si rare qu’une prise de son de quatuor – la seconde quadrature du cercle après celle du piano pour les ingénieurs – soit une vraie réussite pour qu’on se doive de le signaler.
Armés par ces micros attentifs, les Hermès entrent dans les complexes arcanes du Troisième Quatuor en soulignant dés l’Andante espressivo les suspensions d’une musique où silences et ruptures indiquent la faille. Soudain Schumann ne pensait plus qu’à Beethoven. C’est bien la première fois que cette évidence s’incarne avec tant d’éloquence.
LE DISQUE DU JOUR
Les Quatuors à cordes
(Intégrale Op. 41)
Quatuor No. 1 en la mineur,
Quatuor No. 2 en fa majeur,
Quatuor No. 3 en la majeur
Quatuor Hermès
1 CD La Dolce Volta LDV17
Photo à la une : (c) François Séchet