Il faut aux concertos d’Elgar des héros. Jacqueline du Pré a pris d’assaut celui pour violoncelle ; celui pour violon viendrait-il de trouver son chevalier? On y admirait les archets de Dimitri Sitkovetsky, de Ida Haendel, de Nikolaj Znaider mais hier nous est parvenu l’écho d’un concert donné par Pinchas Zukerman à Tel-Aviv le 8 avril 2006 avec l’Orchestre Philharmonique d’Isräel et Zubin Mehta.
Déjà cet archet musicien y avait fait merveille au studio pour RCA, mais la direction attentiste de Leonard Slatkin le laissait bien seul. Pour ce violoniste si généreux – de son, de chant, d’élan – rien ne vaut la compagnie des amis.
Ses gravures des Concertos de Beethoven, Brahms et Sibelius pour Deutsche Grammophon sous la direction de Daniel Barenboïm avec lequel il se produisit si souvent en sonate, sont aussi méconnus que radieux. Sa longue amitié avec Zubin Mehta remonte également à ces années où son archet rejoignait celui d’Itzhak Perlman dans ce quintette amical qui les réunira au coté de Jacqueline du Pré pour une mémorable captation de La Truite de Schubert, Mehta y jouant … la contrebasse !
Dès l’entrée de l’orchestre, le chef indien sculpte à mesure le crescendo : on sait que le ton de l’œuvre est trouvé, aussi ennuagé, aussi maritime, aussi nostalgique et enfiévré que celui du Concerto pour violoncelle. Miracle, le quatuor qui chante éperdument, somptueux, et duquel le violon de Zukerman semble émerger, primus inter pares, timbrant dans le grave avec des couleurs de contralto. Le chant se déploie, ému avant d’être émouvant, phrasé rapidement avec une passion contagieuse. Zukerman joue sostenuto, en empathie avec ce que demande Elgar : un immense récitatif qui doit être malgré les ornements, joués furioso, avec une maestria presque hautaine, une seule grande ligne par-delà les trois mouvements de l’œuvre.
Cela ne cesse jamais de chanter et vous entraîne au cœur expressif du concerto, le grand ritenuto central du Finale, où tout n’est plus que poésie. Lecture révélatrice, complétée par le Concerto BWV 1041 de Bach, joué à l’ancienne mode certes, mais avec quel panache !
LE DISQUE DU JOUR
Edward Elgar (1857-1934)
Concerto pour violon en si mineur, Op. 61
Johann Sebastian Bach (1665-1750)
Concerto pour violon, cordes et basse
continue en la mineur BWV 1041
Pinchas Zukerman, violon
Orchestre Philharmonique d’Israël
Zubin Mehta, direction
1 CD Helicon Classics 029655
Photo à la une : (c) Paul Labelle