Quel étrange retour en arrière. Abbado était devenu à un tel point synonyme du Festival de Lucerne, avec l’Orchestre qu’il y avait fondé en 2003 sous l’impulsion de Michael Haefliger, qu’on avait fini par oublier qu’il s’y produisit dès 1966 !
Les extraits de concerts publiés aujourd’hui par Audite ne remontent pas si loin. L’Inachevée avec Vienne, murmurée, diaphane, respirée avec une tendresse et une émotion au-delà du dicible, est de septembre 1978, dix années avant qu’Abbado n’enregistre son intégrale avec l’Orchestre de Chambre d’Europe pour Deutsche Grammophon ; mais tout y est déjà, le lyrisme, la recherche du pianissimo, le murmure comme philosophie. C’est admirable, émouvant au possible et rien de ce qui fit les dix dernières années d’Abbado si précieuses, si singulières, n’y manque. Fut–il donc si tôt un artiste aussi accompli ? Mais avec les Wiener Philharmoniker, il eut toujours d’éclairantes affinités électives, tout comme Karajan avant lui.
C’est justement l’Orchestre de Chambre d’Europe que l’on retrouve lors du concert du 25 août 1988. Deuxième Symphonie de Beethoven un peu anonyme, très articulée, très dite, qui n’ajoute rien à la discographie du chef, au contraire d’une Siegfried-Idyll rayonnante et intime, cherchant l’allégement – une grande berceuse sylvestre, d’une esthétique troublante. Ce cristal des cordes, ces bois séraphiques mettent comme une distance qui ne cesse de troubler, et rappelle qu’Abbado pensait tout en esthète.
LE DISQUE DU JOUR
Franz Schubert (1797-1828)
Symphonie No. 8 en si mineur,
D. 759 “Inachevée”
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Symphonie No. 2 en ré majeur, Op. 36
Richard Wagner (1813-1883)
Siegfried-Idyll
Wiener Philharmoniker
Orchestre de Chambre d’Europe
Claudio Abbado, direction
1 CD Audite 95.627
Photo à la une : (c) DR