Ce fut le grand projet de la renaissance de Michel Bernstein. On l’avait délesté des catalogues historiques qu’il avait créés de toutes pièces, Vendôme (qui nous rendra les Proses lyriques de Flore Wend et d’Odette Gartenlaub qui vient tout juste de nous quitter ?), Valois, Astrée, Kruysen, Lee, le Quatuor Danois, les Végh, Savall, Chapuis, Hopkinson Smith, Badura-Skoda, Verlet, Herreweghe, tant d’autres, il pouvait recommencer à zéro, avec l’aide amoureuse de Charlotte Gilart de Keranfle’ch à laquelle il passa la bague au doigt.
Leur enfant serait un nouveau label, Arcana. Bonheur qui s’accompagnait d’un projet d’intégrale. Car Michel Bernstein aimait aller jusqu’au bout des choses, épuiser les sujets.
On avait déjà des intégrales des Quatuors de Haydn, oui, mais pas sur instruments d’époque. Pionnier en France des gravures consacrées à la pratique historiquement informée, Michel Bernstein voulut en plus confier l’entreprise à un quatuor issu de la tradition austro-hongroise. Les Festetics s’engagèrent dans ce projet enthousiasmant mais risqué.
Leurs premiers disques furent accueillis par un mélange d’admiration – pour le style, l’éloquence, l’exactitude des phrasés – et d’interrogations. Ce Quatuor Festetics sonnait décidément bien étrangement, comme à rebours de ce que l’on connaissait alors du répertoire du quatuor viennois joué sur instruments d’époque et dont le modèle était l’Op.20 selon Jaap Schröder et ses amis amstellodamois du Quatuor Esterhazy. Hors, les Festetics sonnaient bien plus amples, bien plus « désunis », bien plus chaleureux surtout.
Michel Bernstein ne s’émut pas de ces réserves, il persista comme il avait toujours fait. Les volumes se succédèrent et, peu à peu, la manière déboutonnée, tranquille, heureuse des musiciens hongrois traça son sillon dans une discographie où ils discordaient à plaisir. On n’osait pas trop le dire à l’époque, mais on adorait cela, jusque dans la justesse parfois relative, scorie de l’expérimentation. Et voilà, l’entreprise republiée in extenso. On peut à nouveau y musarder à loisir, être en quelque sorte chez Haydn. On cherchera ailleurs des révélations, des visions, la perfection. Ici, c’est d’abord le plaisir qu’on trouve.
LE DISQUE DU JOUR
Joseph Haydn (1732-1809)
Les Quatuors à cordes (Intégrale)
Quatuor Festetics
Un coffret de 19 CD Arcana A378