Nelson Goerner m’a tant gâté jusqu’à présent qu’il peut bien pour la première fois me décevoir. Premier album Schumann. Non. Il avait accompagné le récital monographique de Sophie Koch, mariant une palette moirée à son mezzo mozartien. Mais déjà une réserve, presque une distance s’y manifestaient.
Ce sur quoi bute Nelson Goerner dans les Études Symphoniques qui ouvrent l’album, c’est la polyphonie, la complexité harmonique de Schumann où la mélodie doit se reconstituer à dix doigts. Pour Goerner, si brillant et si profond dans les compositeurs mélodistes que sont Chopin, Debussy, Liszt ou Rachmaninoff, le chant est toujours offert. Ici, il se dérobe tant que le pianiste butte plus d’une fois à la barre de mesure. Le discours se hache, le propos bégaie, avec cela un clavier un peu lourd et sans grandes couleurs qui l’empêche de faire son jeu fusant.
Mais dès que paraissent les irisations des variations posthumes, si lyriques, on retrouve le pianiste dans tous ses moyens. Hélas, Kreisleriana ne sera qu’une lecture, sans folie, sans personnage, sans exaltation, une sorte d’anti-Sofronitzky au point qu’on a la sensation d’une anti-matière. Toccata métrique et sans brio. Que faut-il comprendre ? Peut-être doit on apprivoiser ce piano en demi-teintes, ce propos en retrait, mais Schumann les voulait-il?
Décontenancé, on enchaîne avec les Novelettes selon Danny Driver. Et voilà l’autre écueil : jeu sentimental, tempos trainants, lyrisme de surface. A peu près un naufrage que n’arrange en rien une prise de son globuleuse. Et les Nachtstücke ne font pas mieux, qui commencent si empesées et se poursuivent si prudentes.
Ce n’était pas le jour de Schumann.
LE DISQUE DU JOUR
Robert Schumann
(1810-1756)
Kreisleriana, Op. 16
Études symphoniques, Op. 13
Toccata, Op. 7
Nelson Goerner, piano
Un album du label Zig-Zag Territoires ZZT7352
Robert Schumann
(1810-1756)
Novelettes, Op. 21
Nachtstücke, Op. 23
Romance
Danny Driver, piano
Un album du label Hyperion CDA67983
Photo à la une : (c) DR