Lors d’une Tribune des critiques de disques de France Musique son Gaspard de la Nuit m’avait épaté. Y manquait juste un peu d’angoisse. On ne pourra pas le reprocher à ce nouvel opus discographique, puisque Louis Schwizgebel, vingt-six ans, y ébroue son clavier virtuose et spirituel dans les deux premiers Concertos si solaires du jeune Beethoven.
Et on exulte devant tant d’invention et d’à propos. Ce jeu sur les pointes, même lorsqu’il prend le temps de surligner telle césure est une vraie fête. L’allégresse est le maître mot de ce disque où deux Suisses mettent le feu aux poudres, car la direction de Thierry Fischer est à l’unisson du propos de son pianiste. Le Philharmonique de Londres, tout en phrasés mutins, avec une pointe d’accents historiquement informés – voyez le caractère de l’Introduction du Deuxième Concerto – n’avait plus accompagné un pianiste en y mettant un tel sens du théâtre depuis des lustres.
Mais c’est d’abord le jeu de haute école du jeune pianiste helvétique qui fait tout le prix de cette parution. Le perlé du toucher, le jeu à dix doigts qui fait entendre la moindre polyphonie dans le mouvement, la volonté de rendre derrière le langage beethovénien clairement assumé la transparence, l’ambigüité émotionnelle héritées de Mozart omniprésentes donnent à ces deux opus toute leur portée historique : littéralement, la transition pour le style viennois du classicisme au romantisme s’y opère.
L’allégement du clavier est un avantage supplémentaire pour ce jeu où tout sonne avec un éclat sans ostentation, et dont le maître-mot est bien le naturel. Cela piaffe, cela rêve aussi parfois au détour d’une phrase sans y toucher. Merveille, courez-y !
LE DISQUE DU JOUR
BEETHOVEN (1770-1827)
Concerto pour piano No. 1 en ut majeur, Op. 15
Concerto pour piano No. 2 en si bémol majeur, Op. 19
Louis Schwizgebel, piano
London Philharmonic Orchestra (Orchestre Philharmonique de Londres)
Thierry Fischer, direction
Un album du label Aparté AP098
Photo à la une : (c) Christian Lutz