En 2000, la Deutsche Grammophon avait consacré lors de son Édition Celibidache un volume de quatre CD illustrant la collaboration du chef roumain avec l’Orchestre Symphonique de la Radio Suédoise. Collection de merveilles à vrai dire, dont émergeaient une 5e Symphonie de Sibelius minérale et un Concerto de Dvorák songeur avec rien moins que Jacqueline du Pré.
Débarqué à Stockholm à l’automne 1962, Celibidache s’installait à la tête de son nouvel orchestre pour dix ans. Il avait obtenu les pleins pouvoirs, y compris celui d’engager de nouveaux musiciens et de planifier autant de répétitions qu’il lui semblerait bon. Les résultats ne se firent guère attendre et en deux saisons, il tint en main un orchestre forgé à son image, bien au-delà de ce qu’il avait pu obtenir de l’Orchestre Philharmonique de Berlin, du Symphonique de la Radio de Stuttgart ou du futur National de France.
Plus encore, les musiciens suédois dispensaient le fameux son Celibidache, clair, jamais asséné, faisant rayonner l’écriture harmonique. Tout ce dont témoigne cet ensemble beethovénien solaire, si singulier dans ses choix de tempos et dans sa balance d’orchestre, si rayonnant jusque dans une Marche guère funèbre, mais plutôt une célébration.
Et lorsque la clarinette entonne le motif, surgie soudain comme un soliste véhément, on est saisi. A mesure, Celibidache déploie un immense crescendo, rappelant ce regret qu’il exprimait parfois dans un soupir « Mon Dieu, que j’aimerais que Furtwängler soit encore parmi nous pour nous montrer ce qu’est un tempo large ! ». Son Héroïque est inimitable, phrasée avec noblesse, pétrie d’émotion mais toujours tenue.
La conception harmonique de la Pastorale ou de la Septième, où chaque relais semble créer une dimension supplémentaire, l’allure implacable de la 5è, le vif–argent des 2è et 4è, la ferveur qui tend l’arche de Léonore III, constituent autant d’expériences « limites » qui vous changent définitivement l’orchestre de Beethoven, une sensation pas éprouvée à ce point depuis justement les propositions tout aussi radicales de Furtwängler.
Espérons qu’un troisième volume viendra compléter le cycle avec les Première, Huitième et Neuvième Symphonies et quelques Ouvertures.
LE DISQUE DU JOUR
BEETHOVEN
Symphonie No. 2 en ré majeur, Op. 36 ;
Symphonie No. 3 en mi bémol majeur, Op. 55 « Héroïque » ;
Symphonie No. 4 en si bémol majeur, Op. 60 ;
Ouverture Léonore III, Op. 72b
BEETHOVEN
Symphonie No. 5 en ut mineur, Op. 67 ;
Symphonie No. 6 en fa majeur, Op. 68
« Pastorale » ;
Symphonie No. 7 en la majeur, Op. 92 ;
Orchestre Symphonique de la Radio Suédoise
Sergiu Celibidache, direction
2 albums de 2 CD Weitblick SSS0151/152-2 (Symphonies Nos. 2-4) et SSS0153/154-2 (Symphonies Nos. 5-7)
Photo à la une : (c) DR