Abendlieder I

Le ton de la Maguelone de Brahms, avec ses références schumaniennes, son imaginaire entre populaire et poésie savante, ne se saisit pas d’évidence. Il y faut une culture vocale et littéraire que seul Dietrich Fischer-Dieskau, surtout avec Sviatoslav Richter (Orfeo), sut y mettre. La lecture univoque de Christopher Maltman se heurte à cet écueil, mais pas seulement. L’allemand n’est pas naturel au baryton anglais qui n’y déploie son chant que dans les lieder les plus lyriques : Sind es Schmerzen est à ce titre une vraie réussite. Mais ailleurs, la voix assez désunie dans l’aigu, embarrassée d’un vibrato qu’on ne lui connaissait pas jusqu’alors, peine d’autant plus que le piano sans grâce de Graham Johnson se débrouille plutôt mal du rôle que lui confie Brahms : celui d’un narrateur et non seulement d’un commentateur.

En posant dans la platine l’album d’Hermann Prey, j’espérais me rembourser de cette déconvenue. Mais non. Son programme Wolf (14 Lieder), complété par les 5 Lieder Op. 9 d’Hanz Pfitzner figure parmi ses microsillons Decca les plus rares. On comprend mieux pourquoi : Prey y est en constant défaut de justesse, écueil redoutable chez Wolf et plus encore chez Pfitzner, et laisse Gérald Moore seul à son piano et comme effrayé, lui qui fut toujours si sensible à la justesse de ses chanteurs.

Et devant ce Der Gärtner si incertain, je me prenais à rêver qu’on réédite enfin le si poétique microsillon Pfitzner que Wolfgang Anheisser et Julius Severin avaient gravé pour BASF. Oui, mais voilà, Decca ajoute à ce naufrage Wolf & Pfitzner treize lieder de Richard Strauss et soudain le grand Prey reparaît, baryton ému, mots amples et profonds, ligne expressive qui rappellent l’art des grands liedersänger du temps passé, Schlusnus et Husch en tête. Et le piano de Gerald Moore se fait soudain orchestre. Pour les Strauss, et vu le prix très modique de l’album, n’hésitez pas !

LES DISQUES DU JOUR

brahms lieder magelone maltman hyperion
Johannes Brahms
(1833-1897)
Romances tirées de « Die schöne Magelone » de Tieck, Op. 33

Christopher Maltman, baryton
Graham Johnson, piano
Un album du label Hyperion CDJ33125cover recital prey decca
Récital
Lieder de Hugo Wolf (1860-1903), Hans Pfitzner (1869-1949), Richard Strauss (1864-1949)

Hermann Prey, baryton-basse
Gerald Moore, piano

Un album du label Decca 4808172 – Collection “Most wanted recitals”

Photo à la une : (c) DR