Kun-Woo Paik s’est fait très discret depuis son intégrale des Sonates de Beethoven accueillie avec mépris du moins pas la critique française. Adieux Decca International, il enregistre parcimonieusement un disque par an pour la Deutsche Grammophon strictement à destination du marché asiatique, un comble pour un pianiste d’un tel calibre qui vit en France, d’autant plus que cet album Schubert a été splendidement capté à la Beethoven-Saal de Hanovre du 16 au 18 avril 2013.

Deux albums Brahms, le premier consacré au Concerto No. 1 et aux Variations sur un thème original, le second à des Intermezzi, programme conçu en hommage au disque de Glenn Gould, ont fugitivement abordé nos rivages, il est peu probable que le nouveau venu y parvienne jamais.

Et c’est grand dommage, car Kun-Woo Paik a signé là un de ses disques majeurs. Il recompose dans son ordre un programme comprenant les Impromptus Op. 90, les Trois Klavierstücke posthumes, et les Moments Musicaux Nos. 2, 4 et 6. Un voyage vers le plus intime et parfois le plus sombre de Schubert mais un sens du discours et un ton naturellement schubertien qu’on avait plus trouvé au disque depuis András Schiff.

La plénitude du son, timbré, intense et jamais frappé arrête dès le Premier Impromptu de l’Opus 90. La violence tempétueuse qui anime le premier Klavierstück, avec ses accords obsessifs, montre à quel point le pianiste sait plier ses moyens à l’intimité du discours schubertien. Jamais rien pour l’effet, mais toujours tout pour l’expression, avec une mise à distance, une retenue, quelque chose qui n’appartient qu’aux plus grands : une hauteur de vue : l’orage qui passe dans la première section du second Klavierstück illustre cela à la perfection.

Autre élément de la syntaxe, le lyrisme des phrasés. Écoutez le second thème du deuxième Moment musical, comment la mélodie s’y modèle comme chantée par une mezzo. Il y a des mots derrière ces notes.

A l’heure de la mondialisation, heureusement les disques voyagent malgré les marchés nationaux ou continentaux, que les éditeurs le veuillent ou non. On trouve cet album, pas dans les bacs mais vous savez où. Cherchez le, vous ne le regretterez pas !

LE DISQUE DU JOUR

Franz Schubert (1797-1828)
4 Impromptus, Op. 90 (Cahier 1)
3 Klavierstücke, D. 946
6 Moments musicaux, Op. 94, D. 780 (Nos. 2, 4 & 6)

Kun-Woo Paik,
piano

Un album du label Deutsche Grammophon

Photo à la une : (c) Woo Ryong Chae