J’étais ressorti de la production d’Olivier Py en état d’apesanteur, un peu comme les Carmélites non plus décollées mais simplement aspirées au Paradis. La captation vidéo un rien plate signée François-René Martin rend compte de la mise en scène mais ne la transfigure pas en film – contrairement au réalisateur qui a capté à Angers la mise en scène de Mireille Delunsch, à voir absolument sur Culturebox – premier écueil.
Second écueil, la distribution. Si Patricia Petibon incarne avec talent l’hystérie dont Olivier Py a affublé Blanche, son chant est souvent rédhibitoire : ses aigus blancs et poussés un cauchemar, surtout pour ceux qui auront gardé le souvenir d’Anna-Catherine Gillet à Angers ou d’Hélène Guilmette à Lyon dans la régie de Christophe Honoré. Impossible également, inaudible Madame de Croissy selon Rosalind Plowright même si elle crève l’écran durant son agonie verticale. Et Topi Lehtipuu, capté dans un de ses mauvais jours, engorgé, n’arrive pas à la cheville du pur beau chant et de l’incarnation fiévreuse que délivrait Stanislas de Babeyrac à Nantes.
On regrette la froideur relative de la Constance de Sandrine Piau, peu en voix, d’autant qu’à la première elle avait été brillamment remplacée par Anne-Catherine Gillet, qui reprenait au débotté et avec virtuosité un rôle qu’elle avait laissé pour aborder Blanche. Reste la Mère Marie de Sophie Koch, noble, plus noble, impossible. Et quelle leçon de chant dans une tessiture qui n’est plus naturellement la sienne.
Pourtant c’est Véronique Gens qui lui vole la vedette, Madame Lidoine mêlant le quotidien au sacré avec une élégance désinvolte assez incroyable, et quelle ligne ! Coté homme, le Père confesseur de François Piolino pour un office désarmant de simplicité, comme le Marquis angoissé de Philippe Rouillon donnent le change.
L’œuvre est magnifiée par la direction de Jérémie Rohrer et par un Philharmonia qui découvrait la partition. L’orchestre de Poulenc irradie peut–être comme jamais, les tempos sont d’une justesse dramatique saisissante, un tour de force et un pied de nez à l’Orchestre National qui avait renoncé à jouer ces Dialogues … pour d’obscures raisons.
Reste le spectacle, sa religiosité affirmée, ses inventions naïves, sa magie. D’où vient que je le feuillette un peu comme un livre d’images alors qu’à la première il m’avait emporté ? Mystère…
LE DVD
Francis Poulenc (1899-1963)
Dialogues des Carmélites
Sophie Koch, mezzo-soprano (Mère Marie de l’Incarnation)
Patricia Petibon, soprano (Blanche de La Force)
Véronique Gens, soprano (Madame Lidoine)
Sandrine Piau, soprano (Sœur Constance de Saint Denis)
Rosalind Plowright, mezzo-soprano (Madame de Croissy)
Topi Lehtipuu, ténor (Le Chevalier de La Force)
Philippe Rouillon, baryton (Le Marquis de La Force)
Annie Vavrille, mezzo-soprano (Mère Jeanne de l’Enfant Jésus)
Sophie Pondjiclis, mezzo-soprano (Sœur Mathilde)
François Piolino, ténor (Le Père Confesseur du couvent)
Jérémy Duffau, ténor (Le Premier commissaire)
Yuri Kissin, basse (Le Second commissaire, Un officier)
Matthieu Lécroart, baryton-basse (Le Geôlier)
Chœur du Théâtre des Champs-Elysées
Philharmonia Orchestra
Jérémie Rhorer, direction
Olivier Py, mise en scène
Un DVD du label Erato 0825646220694
Photo à la une : (c) DR