« Une comédie bourgeoise avec interludes symphoniques », note Richard Strauss sur la page de titre d’Intermezzo. Tout est à peu près dit d’un opéra dont les deux personnages principaux, le Hofkapelmeister Robert Storch et son épouse Christine, sont explicitement inspirés par Strauss et Pauline, sa cantatrice d’épouse.
Le goût de l’autobiographie en musique sera une constante dans la création musicale du compositeur du Rosenkavalier, il atteint son acmé dans cette comédie brillante, acérée, plus inspirée que la critique a bien voulu le concéder et où Strauss répondait à la mode du temps, qui voulait faire entrer à l’opéra la société et les sujets contemporains, mouvement qui trouvera son apogée avec la création au Stadtheater de Leipzig le 10 février 1927 de Jonny spielt auf, opus décapant du trublion de la musique germanique d’alors, Ernst Krenek.
Chez Strauss, pas de jazz et d’éclectisme stylistique, il profite du sujet d’Intermezzo pour peaufiner son art de la conversation en musique, commencé avec le Chevalier, poursuivi dans le Prologue d’Ariane à Naxos, et qui sera le sujet même de son ultima verba lyrique, Capriccio.
J’ai toujours pensé qu’Intermezzo était une vraie réussite, et je ne me suis jamais expliqué son absence des scènes lyriques, même en Allemagne. Heureusement, Wolfgang Sawallisch, Lucia Popp et Dietrich Fischer-Dieskau l’ont brillamment illustré au disque.
L’enregistrement publié aujourd’hui par CPO ne leur cède que de très peu. Capté en concert par la Radio de Munich, enlevé avec panache et style par Ulf Schirmer, défendu par une équipe brillante drivée par Brigitte Fassbaender qui assure ici tous les rôles parlés, elle confronte la Christine au caractère et à la voix bien trempés de Simone Schneider au Storch presque un rien trop juvénile de timbre de l’excellent Markus Eiche.
Si rare au disque, personne ne voudra vraiment se priver d’une seconde version d’une œuvre aussi brillante, où l’esprit du compositeur est si habilement restitué.
LE DISQUE DU JOUR
Richard Strauss (1864-1949)
Intermezzo, Op. 72 – opéra en deux actes
Simone Schneider, soprano (Christine)
Markus Eiche, baryton (Robert Storch)
Martina Welschenbach, soprano (Anna)
Martin Homrich, ténor (Baron Lummer)
Michael Dries, basse (Le Notaire)
Maria Bulgakova, soprano (La Femme du notaire)
Brenden Gunnell, ténor (Le Maître de chapelle Stroh)
Marc Kugel, baryton-basse (Un conseiller en commerce)
Peter Schöne, baryton (Un magistrat)
Günter Missenhardt, basse (Un musicien)
Sophie Mitterhuber, soprano (Resi)
Brigitte Fassbaender, récitant
Münchner Rundfunkorchester
Ulf Schirmer, direction
Un album de 2 CD du label CPO 777901-2
Photo à la une : (c) DR