N’allez pas chercher dans les deux Symphonies d’un Gounod tout juste débutant à l’opéra avec deux ouvrages mal reçus (Sapho et La Nonne sanglante) et finalement échappé à une carrière de musicien d’église les éclairs de génie de Roméo et Juliette ou de Faust : à trente-sept ans, le compositeur reprend certes la symphonie là où Méhul et consort l’avaient laissée mais avec surtout dans l’oreille Beethoven et le peu qu’on connaissait de Mendelssohn à Paris. Avec cela des couleurs latines dans la forme sonate dont Bizet, qui réduira pour le piano la Symphonie en ré majeur, fera son miel pour sa propre Symphonie en ut.
La messe était dite, la symphonie française renaissait en attendant que Franck n’en codifie les règles pour un siècle. Gounod affirmera encore plus haut et fort sa singularité quelques mois plus tard dans une Symphonie en mi bémol majeur dont l’exorde beethovénien – avec une citation de « Ein Engel Eleonora » lisible – sonne comme un manifeste.
Pour ces deux partitions trop souvent passées sous silence, Oleg Caetani trouve les tempos et le ton juste, privilégiant une lecture claire qui magnifie l’écriture à la pointe sèche et l’art des registres, même si dans la Première, Christopher Hogwood mettait une animation plus irrésistible (avec l’Orchestre de Saint Paul, Decca, complété par une magnifique lecture de la version originale de L’Arlésienne de Bizet), et même si l’on peut préférer la chaire plus dense des interprétations de Neville Marriner.
Mais il y a un bonus qui rend le disque indispensable : en 1890, Gounod revenait à l’orchestre seul pour une Troisième Symphonie dont il n’acheva que le second mouvement, une fantaisie teintée d’une pointe d’onirisme qui ouvre sur d’autres horizons. Le fragment du premier mouvement, véhément, sombre comme une chasse nocturne se suspend soudain. Dommage.
LE DISQUE DU JOUR
Charles Gounod (1818-1893)
Les 3 Symphonies
Symphonie No. 1 en ré majeur
Symphonie No. 2 en mi bémol maj
Symphonie No. 3 en ut majeur
Orchestra
della Svizzera Italiana
Oleg Caetani, direction
Un album du label CPO 777863-2
Photo à la une : Buste de Charles Gounod, par Jean-Baptiste Carpeaux – Photo : (c) DR