Tiens, voilà bien un opus qui manquait à la discographie de Bernard Haitink, d’ailleurs peu prolixe du côté de Haydn : une 86e Symphonie en concert avec la Staatskapelle de Dresde m’avait enthousiasmé mais, à ma connaissance, cette Création est son premier disque Haydn.
Enfin, disque … la Radio bavaroise publie l’écho de deux concerts donnés à la Herkulensaal de Munich les 19 et 20 décembre 2013, et j’admire la qualité du fini instrumental, la perfection du geste.
A presque quatre vingt-cinq ans, Haitink a pris le temps de murir son interprétation, l’appuyant autant sur Milton que sur Haydn. Le Dieu qu’on y célèbre est celui des Lumières plutôt que celui de l’Ancien Testament ; la Création rayonne dès son chaos savamment ordonné. Tout est à rebours du geste dramatique qu’y déployait Clemens Kraus, Haitink va droit au but : une humanité triomphante dont la Terre sera le paradis.
Tout ce que l’orchestre et le chœur peuvent exprimer ici restera dans les mémoires, tant chaque instant est dessiné, exposé, signifiant. Haitink ne reprend aucune des leçons d’Harnoncourt, il dirige sans se soucier de relire, car il incarne le texte de Haydn avec une évidence absolue.
Cela suffirait pour faire ce concert historique, mais il y a un bémol : les solistes. Si Hanno Müller-Brachmann campe un Adam émouvant, il achoppe sur Raphaël, en délicatesse avec la justesse, Mark Padmore, en voix de bois, s’épuise devant la tessiture ailée d’Uriel, et Camilla Tilling n’a plus les aigus de jadis, sinon l’art de faire sonner les mots.
Mais pour Bernard Haitink, vous voudrez l’album.
LE DISQUE DU JOUR
Franz Joseph Haydn (1732-1809)
Die Schöpfung, Hob. XXI:2
Camilla Tilling, soprano
Mark Padmore, ténor
Hanno Müller-Brachmann, baryton-basse
Chœur et Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise
Bernard Haitink, direction
Un album de 2 CD du label BR-Klassik 900125
Photo à la une : (c) DR