Noces funèbres

Dès l’Introduction, ce basson-fantôme dit bien que la Pathétique selon Philippe Jordan évitera justement le pathos. Fait-il mentir pour autant la puissance d’émotion de cette musique ?

Pas un instant. La précision du geste, ce son toujours formé qui donne à entendre l’orchestre de Tchaïkovski comme saisi par strates, la fluidité des tempos et il faut bien le concéder un génie de la transition, cet écueil de la Pathétique que si peu ont résolu, cernent au plus près le pouvoir expressif de cette symphonie confidence. Mais derrière un son si legato – j’ai l’impression plus d’une fois d’y retrouver l’art qu’y mettait Herbert von Karajan –, une telle conscience de la longueur des phrases, c’est tout un monde qui s’anime, et nous entraîne loin dans la psyché de l’auteur.

Modèle de style, qui jamais ne se relâche, évite scrupuleusement l’effet – l’Allegro molto vivace avec son empilement vertigineux de crescendos est tenu par une baguette absolument autocratique – et par là même gagne en impact.

Philippe Jordan évite donc le théâtre, mais pas l’abrupt lorsqu’il le faut : écoutez la seconde section du premier mouvement, tranchante, impérieuse où les Wiener Symphoniker sont si précis dans les nuances dynamiques.

La vraie surprise de ce disque vient autant de la conception du chef que de l’excellence d’un orchestre qui ici le dispute au Philharmoniker eux-mêmes. Philippe Jordan, depuis cet enregistrement, a épousé la destinée des Symphoniker dont il est le nouveau directeur musical – il faudra guetter leurs prochains albums avec attention.

LE DISQUE DU JOUR

Cover_TCHAIKOVSKY6_JordanPiotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893)
Symphonie No. 6 en si mineur, Op. 74 « Pathétique »

Wiener Symphoniker
Philippe Jordan, direction

Un album du label Wiener Symphoniker WS006

Photo à la une : (c) DR