Le seul récital qu’elle ait laissé au disque. Enregistré les 9, 11 et 13 septembre 2002.
Susan Chilcott y fêtait avec brio et esprit ses relevailles : on l’avait opéré d’un cancer du sein l’année précédente, elle s’en était remise, et rayonnait dans cette parenthèse enchantée qu’illustra bien le programme plein d’élan d’un disque consacré aux trop rarement enregistrées mélodies d’Aaron Copland, alternant les deux cahiers des Old American Songs, musiques populaires rendues savantes à leur insu – il faut entendre la ménagerie qu’y chante la soprano quasi spinto dans I Bought Me A Cat – avec les elliptiques Poems of Emily Dickinson, et ajoutant trois mélodies, dont l’étreignant Night sur le poème d’Aaron Schaffer où Copland rend hommage au Jet d’eau de Debussy, merveille !
Ne serait-ce que pour cet ensemble Copland, l’album doit être dans toute discothèque. Paru d’abord sous étiquette Black Box et de distribution très confidentielle, Opus Arte le réédite somptueusement pour le son et l’agrémente d’un livret abondamment illustré, photos de scènes qui nous la montrent si vivante en Komponist, en Ellen Orford ou en Desdemona. Une telle présence ne s’efface pas.
L’éditeur ajoute l’écho d’un récital donné à la Monnaie de Bruxelles le 5 octobre 2001 dans une salle qu’elle adorait et devant en public qui la chérissait. Magnifique. Elle n’a pas froid aux yeux, osant le si difficile, de placement vocal, de justesse, de double sens, Wie erkenn’ich mein Treulieb von andern nun, premier des Sechs Lieder op. 67 de Strauss.
Que n’a-t-elle gravé les cinq autres ! Mais non, elle préfère poursuivre avec l’héroïne d’Hamlet, cette fois sous la plume de Berlioz. Le spleen délicat qu’elle met à la vocalise murmurando de La Mort d’Ophélie est à sa façon discrète et imparable simplement anthologique. Contraste total avec le « cabaret songs » Calypso où Britten s’amuse, et elle donc !
Puis elle referme la soirée avec The Little Horses, la berceuse favorite de son fils Harold. Ce soir-là comme au studio pour les Copland, comme toujours en fait, Iain Burnside l’accompagne de son piano magicien. Susan Chilcott partie de l’autre coté du miroir, il adoptera Harold. Disque magnifique, qui m’émeut toujours.
LE DISQUE DU JOUR
The Shining River
Mélodies de Aaron Copland, Richard Strauss, Hector Berlioz, Dominick Argento, Ralph Vaughan Williams, Benjamin Britten, Iain Burnside
Susan Chilcott, soprano
Iain Burnside, piano
Un album du label Opus Arte OA CD9016D
Photo à la une : (c) DR