Je me souviens du premier disque Panufnik que j’ai mis sur ma platine, ramené d’un voyage à Londres. Jascha Horenstein y dirigeait quatre pièces orchestrales. Évidemment, je l’avais acheté pour le chef. Mais cet idiome pur, simple, à la croisée du néo-classicisme et du néo-romantisme m’enchanta illico, en particulier l’Autumn Music.
Il y avait donc une autre voix dans la création symphonique polonaise contemporaine en face de Lutoslawski ou de Penderecki, moins brillante, plus sensible ? Par la suite, j’allais découvrir Marek, Tansman, Bacewicz, Baird, la Pologne n’allait pas cesser de me révéler des génies singuliers issus de ce XXe siècle qui l’avait lacéré.
Au point que progressivement, mon intérêt pour Panufnik passa au second plan. Puis Lukas Borowicz, assurément la plus brillante baguette de la jeune génération de l’école polonaise, commença d’édifier son intégrale de la musique symphonique.
Remis dans une perspective chronologique, cet univers singulier prenait enfin son vrai visage, celui d’un œuvre perméable dans ses inspirations – de Britten à Chostakovitch – mais à la grammaire refusant tout système.
Le huitième volume regroupe les trois concertos. Celui pour piano, d’abord conçu comme une œuvre virtuose en 1961, fut retouché deux fois à dix années d’intervalles, et devint à mesure de plus en plus radical, comme placé sous la figure tutélaire de Béla Bartók. Eva Kupiec le joue factuel, alors que Lukas Borowicz l’anime presque avec sauvagerie : le contraste était voulu par le compositeur et assumé dans son propre enregistrement avec Eva Poblocka.
C’est à Mstislav Rostropovitch que Panufnik destina évidemment son opus pour le violoncelle, terminé l’année même de sa mort en 1991. Le compositeur n’en verra pas la création assurée par Rostropovitch lors d’un concert hommage au Barbican le 24 juin 1992 que le disque a documenté.
Œuvre parfaite, réglée par les principes géométriques chers à Panufnik, à l’impeccable symétrie, et que Raphaël Wallfisch joue un rien trop espressivo, sans avoir le charisme et la poigne de son dédicataire.
Mais la vraie merveille du disque reste le Concerto pour violon de 1971, fruit d’une commande de Yehudi Menuhin, où le rêve le dispute sans cesse à l’étrange et dont l’écriture est comme issue d’une chambre d’écho ouvert sur l’univers de Benjamin Britten. Partition plus d’une fois magique qu’Alexandre Sitkovetsky, le fils de Dmitry, le petit fils de Julian, enregistre pour la seconde fois du haut de ses trente-deux ans, et de son archet si lyrique. L’occasion est trop belle de découvrir ce musicien discret issu d’une lignée aussi prestigieuse, et d’entrer dans un des opus les plus singuliers de son auteur.
Lukas Borowicz parvient bientôt au terme de son voyage chez Panufnik, aura-t-il l’audace de nous révéler maintenant le legs symphonique de Grazyna Bacewicz, dont il avait gravé l’intégralité des concertos pour violon chez Chandos ?
LE DISQUE DU JOUR
Andrzej Panufnik
(1914-1991)
Les Concertos
(Œuvres orchestrales, Vol. 8)
Concerto pour violon et orchestre
Concerto pour piano et orchestre
Concerto pour violoncelle et orchestre
Alexander Sitkovetskty, violon
Raphael Wallfisch, violoncelle
Ewa Kupiec, piano
Konzerthausorchester Berlin
Lukasz Borowicz, direction
Un album du label CPO 777687-2
Photo à la une : Le chef d’orchestre Sir Georg Solti
et le compositeur polonais Andrzej Panufnik, en 1981 –
Photo : (c) DR