Tempo immuable, colonnes harmoniques droites, lignes mélodiques impavides ? Stanislaw Skrowaczewski n’entend pas son Bruckner comme cela. A quatre-vingt dix ans, il poursuivait son nouveau cycle à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Londres creusant un peu plus l’espace avec cette Troisième Symphonie qu’il ne le faisait précédemment avec une Septième Symphonie galbée. Différence notoire avec l’intégrale sarrebruckoise publiée en 1996, presque vingt ans plus tard le drive électrique n’est plus de mise, le discours semble aventureux, moins certain certes non, plus interrogateur plutôt.
Il faut dire que la Troisième Symphonie cherche son temps musical autant que la Deuxième, et Skrowaczewski savoure les étranges arrêts sur image du Misterioso initial. Une dimension contemplative s’impose que viennent contredire ici un accent fantaisiste, là un alliage de sons dosé d’une manière inédite, ou encore ces pianissimos sostenuto d’une beauté si étrange.
Ce jeune homme de quatre-vingt dix ans n’aime qu’inventer et se surprendre lui-même. Il fait naître soudain des agitatos qui tromperaient presque la virtuosité des pupitres du LPO. Mais on ne la leur fait pas. Les yeux rivés sur le chef, l’orchestre suit chaque inflexion. Concert quasi expérimental à la mesure de l’œuvre. Radical, comme aucun autre Bruckner depuis la première intégrale de Günter Wand.
LE DISQUE DU JOUR
Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie No. 3 en ré mineur, WAB103 « Wagner-Sinfonie »
London Philharmonic Orchestra (Orchestre Philharmonique de Londres)
Stanislaw Skrowaczewski, direction
Un album du label LPO 0084
Photo à la une : (c) DR