Sándor Kónya n’avait peur de rien. Calaf, Mario Cavaradossi, Lohengrin, Radames et même O Paradiso.
Bayreuth l’invitant en 1958 découvrait un Lohengrin absolument exotique et tombait sous son charme : le temple était envahi par le bel canto, horreur ! Mais mon Dieu quel ténor ! La voix puissante et ambrée, l’aigu de grâce, subtil de timbre, héroïque d’accent – écoutez son Dick Johnson de La Fanciulla del West ! – avec ces mots si formés, si expressifs. Il n’y en eu pas deux comme lui, si spécifique – et lorsqu’il doit chanter le répertoire italien en allemand pour son public, un soleil s’invite dans la langue de Goethe. Merveille d’un timbre unique et d’un artiste souverain dont toutes les facettes de l’art, y compris celle du mélodiste, furent documentées par trois microsillons Deutsche Grammophon et American Decca que la collection Eloquence réunis enfin en un double album.
Le récital Puccini, capté à Florence en 1962 définit tout l’art solaire de ce ténor à cheval sur deux mondes, mais qui avait choisi l’Italie. Galerie de portraits qui s’efface derrière la plénitude d’une voix incroyable.
Italie toujours avec des pages de Donizetti, Meyerbeer, Ponchielli, Verdi où Kónya surveille son style belcantiste sans renoncer à ses charmes et les appliquant même à un Celeste Aida irrésistible. Le bouquet composite de Romances de Verdi et de Lieder qui contient quelques rares Wagner (Karnevalslied entre autres) montre la curiosité d’un chanteur dont nous manque La Belle meunière : Kónya c’était au fond un autre Wunderlich. L’album se referme sur son Walther et son Lohengrin, impérissables tous deux.
Et voilà que Deutsche Grammophon réédite La Bohème en allemand enregistrée sous la direction d’Alberto Erede au Staatsoper de Berlin en 1961 : les timbres de Sándor Kónya et de Pilar Lorengar s’épousent, ceux de Rita Streich et de Dietrich Fischer-Dieskau se chamaillent, peu importe pourvu qu’on ait l’esprit !
LE DISQUE DU JOUR
The Art of Sándor Kónya
Airs et mélodies de Giacomo Puccini, Gaetano Donizetti, Friedrich von Flotow, Giacomo Meyerbeer, Ponchielli, Giuseppe Verdi, Richard Wagner
Sándor Kónya, ténor
Un album de 2 CD du label Deutsche Grammophon 4807096 (Collection « Eloquence Australie »)
Giacomo Puccini (1858-1924)
La Bohème
Pilar Lorengar, soprano (Mimi)
Sándor Kónya, ténor (Rodolfo)
Rita Streich, soprano (Musetta)
Dietrich Fischer-Dieskau, baryton-basse (Marcello)
Chœur et Orchestre de l’Opéra d’État de Berlin
Alberto Erede, direction
Un album de 2 CD du label Deutsche Grammophon (originellement DG LPM 18720/21)
Photo à la une : (c) DR (Deutsche Grammophon)