Disque attachant, qui entoure deux cycles de lieder dans des habillages chambristes par des pièces emblématiques du renouveau musical au début du XXe siècle elles aussi recomposées pour petit ensemble.
Ce chemin vers l’intime à rebours, débuté chez Debussy, terminé chez Mahler, pourrait se résumer dans la Berceuse élégiaque de Busoni : son balancement morbide, ses couleurs sombres et pourtant luminescentes qui évoquent le symbolisme donnent le ton de cet album étrange où Dietrich Henschel s’approprie les Maeterlinck-Lieder de Zemlinsky, réservés aux mezzo-sopranos. Voilà une extension de répertoire du baryton que même Dietrich Fischer-Dieskau n’avait pas tentée.
Dietrich Henschel les fait sien avec cet art diseur, ce timbre subtil, cette intelligence des émotions, mariant ses timbres avec les vêtures instrumentales artistement composées par Erwin Stein et Reinbert de Leeuw.
Pivot du disque, les Zwei Sätze für Streichquartett composées par Zemlinsky en 1895, sont encore immergées dans l’ultime romantisme de Brahms, une année plus tôt Debussy inventait la musique mderne avec le Prélude à l’après midi d’un faune : collision des styles qui paraît soudain invraisemblable et remet quelques pendules à l’heure : l’Ecole de Vienne était encore à venir.
Dietrich Henschel referme l’album avec les Lieder eines fahrenden Gesellen justement dans l’habillage instrumental légèrement décalé dont les revêtit Arnold Schoenberg. Voix plus légère qu’à l’habitude, sans pathos, animant le texte, lecture transparente qui illustre tout l’art de ce chanteur-poète trop rare au disque.
LE DISQUE DU JOUR
Claude Debussy (1862-1918)
Prélude à l’après-midi d’un faune (arr. Benno Sachs)
Alexander Zemlinsky (1732-1809)
Maeterlinck-Lieder (arr. Erwin Stein, Reinbert de Leeuw)
2 Mouvements pour quatuor à cordes
Ferruccio Busoni (1866-1924)
Berceuse élégiaque (arr. Erwin Stein)
Gustav Mahler (1860-1911)
Lieder eines fahrenden Gesellen (arr. Arnold Schönberg)
Dietrich Henschel, baryton
Oxalys
Un album du label Passacaille 1008
Photo à la une : (c) Christina Nyfeller