Tout récemment, je chroniquais un double album Meloclassic consacré à des enregistrements en concert de Wilhelm Backhaus jouant Beethoven et voici que je mets dans la platine tout un disque Mozart publié par le label autrichien Belvedere : deux concerts donnés durant les Mozartwoche 1956 et 1967 dans la Grande Salle du Mozarteum de Salzbourg.
En 1956, le Rondo KV 511, la Sonate KV 330 et la Fantaisie KV 475 sonnent avec une élégance rare, couleurs adamantines, toucher allusif, quelques maniérismes pourtant. Parvenu au sommet de son art, Backhaus cherchait encore son Mozart, mais ce qu’il nous en offrait déjà suffisait à le rendre profondément individuel et assez à rebours de ce que ses confrères versés comme lui dans Beethoven en retenaient. Contrairement à Kempff, Backhaus n’y est absolument pas classique, ne recherche pas l’épure.
En 1967, le voilà enfin libre chez Mozart comme le montrent trois Sonates (KV 332, 283 et 457) d’une invention stupéfiante. Deux années avant sa mort, ce virtuose qui avait commencé chez Chopin – on lui doit une des premières gravures des Études à l’époque du 78 tours – et qui s’était imposé par ses intégrales beethovéniennes, ose tout : tempos fous, accents à la volée… un piano ? Un orchestre.
Incroyable comme ce clavier a pris des couleurs, comme ses polyphonies sont lestes, comme tout sonne plus italien que germain. Des sonates ? Des opéras. La folie qui emporte le Finale de la Sonate KV 283, avec ses pas dansés, semble sortir tout droit du bal des Nozze di Figaro. Clavier ébouriffant, emporté par une vitalité inextinguible. Une vraie leçon de vie et d’enthousiasme : Backhaus avait quatre-vingt trois ans. Un jeune-homme je vous dis !
LE DISQUE DU JOUR
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Sonate No. 5 en sol majeur, KV 283
Sonate No. 10 en ut majeur, KV 330
Sonate No. 12 en fa majeur, KV 332
Sonate No. 14 en ut mineur, KV 457
Rondo en la mineur, KV 511
Fantaisie en ut mineur, KV 475
Wilhelm Backhaus, piano
Un album du label Belvedere 10148
Photo à la une : (c) DR