Manchester fut toujours la « patrie » britannique des œuvres de Gustav Mahler. Les chefs invités essayèrent d’imposer ses symphonies puis, le règne de Sir John Barbirolli venu, la cause fut entendue.
De Manchester, les symphonies-mondes de l’Autrichien allaient conquérir l’Angleterre. La 9e Symphonie fut l’emblème de cette lutte en faveur de Mahler et devint au cours des années soixante intimement associée à l’Orchestre Hallé. Le ton sombre de la phalange, ses vents âpres, ses cordes orageuses, tout entrait dans la dramaturgie naturelle de l’œuvre.
Sous la direction sans effet de Sir Mark Elder, l’orchestre semble se souvenir des années héroïques où donner la 9e de Mahler était faire acte de foi. Et pourtant tout commence par estompe. Le lyrisme des premières pages est comme vu en rêve, chanté en sourdine – Elder règle les alliages de timbres d’une main légère et refuse quasiment le premier crescendo, voulant poursuivre dans le lyrisme. Troublant, comme le sera toute cette lecture qui cherche à se dégager de l’emprise du pathos.
Ce lyrisme simple n’est pas si loin de ce que tentait Abbado dans ses derniers Mahler – mais aussi vaillant que soient les musiciens du Hallé, ils n’ont pas les sonorités magiques des super-solistes de l’Orchestre du Festival de Lucerne.
Pourtant, je reviendrai à cette version sans grandiloquence, qui veut d’abord laisser rayonner la veine lyrique, vertu devenue trop rare chez tous ceux qui ont voulu faire entendre leur Mahler en haussant le ton. Et je serais bien curieux de découvrir ce que les mêmes feraient des 6e et 7e Symphonies.
LE DISQUE DU JOUR
Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie No. 9 en ré majeur (1909)
Hallé Orchestra
Sir Mark Elder, direction
Un album du label Hallé HLD 7541
Photo à la une : (c) Simon Dodd