C’est peu d’écrire qu’András Schiff, mozartien de la première heure, s’est trouvé en Schubert. Une intégrale des Sonates pour Decca, simple et éloquente, le mettait sur un quasi pied d’égalité avec celle, plus inventée, de Wilhelm Kempff. Et le voilà de retour chez Schubert, mais changé. Le Franz Brodmann qu’il joue pour ce double album ECM enregistré en juillet 2014 est celui de la petite salle de concert de la Beethoven Haus de Bonn : le lieu et l’instrument sont idéalement appariés, acoustique précise et chaleureuse, pianoforte discret, aux sonorités un rien étouffées, typique de ce facteur qui jouait avant tout la poésie.
L’instrument n’est pas facile, je sens qu’András Schiff cherche comment le faire sonner, sans le forcer pourtant, avec une douceur dans le toucher comme dans les phrasés qui respectent sa nature intime. Schubert s’y mire tout entier, la nature même de sa sonorité, ses gris colorés, son lyrisme ombreux s’y entendent naturellement. Pourtant, ici où là, Schiff voudrait dire plus. Mais le legato relatif de ce clavier, la subtilité des registres commandent une expression intérieure. Une fois que l’oreille s’est accoutumée, ces deux disques qui ne proposent que des chefs-d’œuvre sont de la plus tendre eau, et apportent un éclairage nouveau sur les affinités électives qui réunissent le pianiste hongrois et « son » compositeur fétiche.
LE DISQUE DU JOUR
Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour piano No. 18 en sol majeur, D. 894
Sonate pour piano No. 18 en si bémol majeur, D. 960
6 Moments musicaux, D. 780
4 Impromptus, D. 935 (Cahier n° 2)
Mélodie hongroise, D. 817
Allegretto en ut mineur, D. 915
András Schiff, pianoforte
Un album de 2 CD du label ECM New Series 2425/26
Acheter l’album sur Amazon.fr – Télécharger l’album en haute-définition sur Qobuz.com
Photo à la une : (c) Nadia F. Romanini