Décembre 1988, Garrick Ohlsson enregistre pour les micros du label new-yorkais Arabesque les Douze Etudes de Claude Debussy : version fantasque, faunesque, presque trop appuyée qui me semblait si volontaire qu’une grande part du cahier s’en trouvait défait. Mais j’admirais et les doigts fulgurant et l’art, pour mieux revenir aux poèmes de couleurs et de mystères qu’y entendait Walter Gieseking.
Décembre 2013, Ohlsson remet les Etudes sur le métier, cette fois au Henry Wood Hall de Londres pour Hyperion. Un quart de siècle plus tard, les moyens strictement pianistiques sont toujours aussi somptueux, mais la conception n’en finit pas de me désarçonner. Etudes ? Ohlsson répond oui et même un peu trop, au point de souligner certaines comme de simples exercices. Littéralement, il s’y fait les doigts alors qu’il n’en a guère besoin. La sonorité est ample sans être pourtant aussi variée qu’il le faudrait, le caractère univoque, les couleurs en force, le pianisme sans ombre. Version étrange car trop affirmative – évidemment dans Pour les accords, mais pas seulement. Et je me prends à rêver de ce que Marc-André Hamelin ferait ici.
Pour compléter le disque, Ohlsson ne reste pas chez Debussy – pour Arabesque, il avait poursuivi avec la Suite bergamasque, mais propose deux autres cahiers d’études : l’Op. 2 de Prokofiev et l’Op. 18 de Bartók, et soudain tout change : clavier agile, virtuosité ébouriffante, partout du caractère et un rapport direct avec les œuvres, en particulier avec le triptyque simplement génial signé par Bartók.
Et je me dis soudain que ce retour aux Etudes de Debussy était pour le pianiste une nécessité. Mais voilà, il a beau interroger le Sphinx, celui-ci est demeuré à nouveau muet.
LE DISQUE DU JOUR
Claude Debussy (1862-1918)
Études, Livres I & II (L. 136)
Sergei Prokofiev (1891-1953)
4 Études pour piano, Op. 2
Béla Bartók (1882-1945)
Etudes pour piano, Op. 18
Garrick Ohlsson, piano
Un album du label Hyperion CDA68080
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Photo à la une : (c) DR