Iván Fischer me l’a assez souvent répété : « je ne suis pas fait pour les intégrales, elles me contraindraient à diriger des œuvres qui ne me parlent pas ». Et voilà que paraît l’exception qui confirme la règle : rien moins que l’intégrale des Symphonies de Beethoven.
Je me doutais bien qu’il allait un jour se parjurer. A chaque fois qu’il abordait avec son Orchestre du Festival de Budapest une des œuvres du Maître de Bonn, Fischer éprouvait la sensation de découvrir un monde nouveau. Lorsque le Concertgebouw lui offrit en 2011 de diriger l’ensemble des Symphonies sur les saisons 2013-2014, il accepta, y compris que le cycle soit filmé et enregistré. Il se savait prêt.
Avec les splendeurs du Concertgebouw, sa lecture si lyrique trouve l’instrument parfait. Car le Beethoven de Fischer, aussi novateur soit-il – chaque symphonie ouvre une nouvelle porte et la 9e donne dans sa lecture métaphysique qui ne renie pas le geste de Furtwängler, quasiment sur l’infini – refuse les maniérismes et les syndromes des lectures historiquement informées sans les ignorer.
La surface du texte ne saurait-être ici, selon le chef hongrois, tout le texte, et la fidélité aux notes se double d’un goût pour une liberté d’expression assumée. Un seul exemple, les premières pages de la Septième Symphonie où, malgré les accords rayonnants, la musique ne cesse d’avancer, sensation vertigineuse.
Je ne vais pas disséquer ici le voyage dans l’univers créatif de Beethoven auquel Iván Fischer vous convie : une expérience qui sera particulière à chacun de celui qui la tentera. Mais il faut entrer dans ce discours subtil, passer outre la beauté esthétique de son enveloppe sonore, et même pardonner à Fischer son obsession de l’équilibre formel : car tout Beethoven est contenu ici, classique et visionnaire, moderne et expressionniste, solaire toujours comme si Mozart finalement ne l’avait jamais quitté. L’image ajoute à la puissance de l’expérience.
LE DISQUE DU JOUR
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Les 9 Symphonies (Intégrale)
Myrto Papatanasiu, soprano
Bernarda Fink, contralto
Burkhard Fritz, ténor
Gerald Finley, baryton-basse
Chœurs de la Radio Néerlandaise
Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam
Ivan Fischer, direction
Un coffret de 3 DVD du label RCO Live 14109
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Photo à la une : (c) Marco Borggreve