Yakov Kreizberg eut-il le temps, avant sa mort prématurée, de diriger son Orchestre Philharmonique des Pays-Bas dans cette Quatrième de Mahler que je l’entendis faire si fluide, si lumineuse et si sombre à la fois avec l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo ?

Je ne sais, mais Marc Albrecht, rompu au répertoire viennois – il est aujourd’hui le meilleur chef pour la Lulu de Berg – retrouve dans sa lecture si élégante, si souple les termes mêmes qui faisaient l’interprétation de Kreizberg évidente.

Car la grande force de ce disque Mahler passé un peu inaperçu est bien cette vertu cardinale, surtout ici : la simplicité. Inutile de chercher dans le Scherzo les ricanements maléfiques qu’y appuyait Otto Klemperer, ni dans le Ruhevoll le vaste paysage métaphysique brossé par Claudio Abbado, ni au Finale le ton de garçonnet mi-ange mi-démon tenté par Irmgard Seefried et Bruno Walter : Marc Albrecht ne compose rien, mais alors, il sait l’œuvre dans ses moindres replis et la fait respirer avec un art surprenant et somme toute presque perdu : le legato – qui n’exclut pas la fantaisie des accents – tend ici un fil conducteur invisible et magique, qui fait que tout est dans tout, et que chaque mouvement a son reflet – psychologique, harmonique, thématique – dans les autres. En définitive simplement une des plus abouties 4e de la discographie – pas si éloignée que cela de celle que dirige actuellement Mariss Jansons avec le Concertgebouw – sur laquelle Elizabeth Watts met son ange un peu endormi, composition délicieuse.

Avec un tel orchestre, un chef aussi naturellement mahlérien, Pentatone dont les ingénieurs du son font toujours des merveilles, tiendraient là un bien beau cycle Mahler s’il prenait à Marc Albrecht l’envie de persévérer.

LE DISQUE DU JOUR

Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie No. 4 en sol majeur

Elisabeth Watts, piano
Netherlands Philharmonic Orchestra
Marc Albrecht, direction

Un album du label Pentatone PTC5186487
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Photo à la une : © Monica Ritterhaus