Octobre 2003–octobre 2006 : le cycle Schubert de Nikolaus Harnoncourt avec les Berliner Philharmoniker est-il marqué au sceau de l’automne comme semble l’indiquer l’illustration de couverture de cette étonnante édition de huit CDs et d’un Blu-Ray audio et vidéo ? Arbres rouges, mais violets aussi, un paysage irréel donc, purement imaginaire, ouvrage au format italien, livret abondant, encartage des disques surprenant, en soi une œuvre d’art.
Le Schubert d’Harnoncourt n’a jamais prétendu à cette chimère qu’est l’authenticité, et trouve avec les Berliner Philharmoniker un orchestre vaste, au son immense : plus d’une fois l’ombre de Bruckner se profile, d’autant qu’ici toutes les reprises sont observées, rendant au temps schubertien son parfum d’éternité : littéralement me voici englouti dans un paysage infini, affirmatif dans la Première Symphonie qui se revendique comme jamais de la grammaire beethovénienne, inquiet, nocturne, fantasque dans une 4e dessinée avec fièvre, subtilement mozartien avec des lumières savamment composées au long des 5e et 6e…
L’Inachevée surprendra par son absence de pathos, la simplicité de son geste et ses tempos en fait traditionnels, tout comme une Symphonie en ut martiale, univoque, à laquelle manque une touche solaire. Pour les deux opus ultimes, la relecture drastique de David Zinman et de la Tonhalle de Zürich (Sony), avec ses choix radicaux de tempos prestes et de phrasés expressifs, n’est pas remise en question.
Mais au long des symphonies, je suis une fois encore surpris par cette capacité de transformer les notes en mots qui est le fondement de l’art d’Harnoncourt : tout parle ici, rien jamais ne se réfugie derrière une syntaxe stylistique, Schubert est dévoilé. Et plus encore dans les deux Messes, dirigées avec une tendresse bouleversante, une sorte de douceur magnifiée dans la Messe en mi bémol majeur par un quintette magique : Dorothea Röschmann, Bernarda Fink, Jonas Kaufmann, Christian Elsner et Christian Gerhaher !
L’album se referme avec Alfonso und Estrella, cet opéra entre Weber et Beethoven, si cher à Harnoncourt. Ecoutez simplement les deux airs d’Estrella à l’Acte II, chantées avec tant de présence par Dorothea Röschmann !
LE DISQUE DU JOUR
Les 8 Symphonies (Intégrale)
Symphonie No. 1 en ré majeur, D. 82
Symphonie No. 3 en ré majeur, D. 200
Symphonie No. 7 (ou 8) en si mineur, D. 759 « Inachevée »
Symphonie No. 2 en si bémol majeur, D. 125
Symphonie No. 4 en ut mineur, D. 417 « Tragique »
Symphonie No. 5 en si bémol majeur, D. 485
Symphonie No. 6 en ut majeur, D. 589
Symphonie No. 8 (ou 9) en ut majeur, D. 944 « Grande »
Messe No. 5 en la bémol majeur, pour solistes, chœur et orchestre, D. 678
Messe No. 6 en mi bémol majeur, pour solistes, chœur et orchestre, D. 950
Alfonso und Estrella, opéra romantique en 3 actes, D. 732
Berliner Philharmoniker
Nikolaus Harnoncourt, direction
Pour la Messe No. 5
Luba Orgonášová, soprano
Birgit Remmert, contralto
Kurt Streit, ténor
Christian Gerhaher, basse
Rundfunkchor Berlin
Pour la Messe No. 5
Dorothea Röschmann, soprano
Bernarda Fink, contralto
Jonas Kaufmann, ténor
Christian Elsner, ténor
Christian Gerhaher, basse
Rundfunkchor Berlin
Pour Alfonso & Estrella
Dorothea Röschmann, soprano (Estrella)
Kurt Streit, ténor (Alfonso)
Christian Gerhaher, basse (Froila)
Jochen Schmeckenbecher, baryton (Mauregato)
Hanno Müller-Brachmann, baryton-basse (Adolfo)
Rundfunkchor Berlin
Un livre-disque de 8 CD et 1 DVD Blu-Ray, audio et vidéo (avec un entretien de Nikolaus Harnoncourt à propos de Schubert), du label Berliner Philharmoniker Recordings 4260306180615
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Photo à la une : © DR