À peine dix huit ans, et déjà un tel pianiste ! Je ne parle pas de la technique, qui est transcendante d’abord parce qu’elle semble innée, mais bien du sens musical, de la simplicité, de l’évidence d’un jeu de grand caractère qui emporte tout le Premier Concerto de Liszt littéralement d’un trait. C’est vertigineux, en même temps très affirmé, construit, ne cédant jamais aux sirènes rapsodes qui peuvent rendre l’œuvre bavarde. Il y a ici une concentration et une évidence qui, assorties à une pointe d’inconscience, sont probablement l’apanage de la jeunesse. Le jeune homme se nomme Alexandre Kantorow, retenez bien son prénom.
Pas le temps des questionnements, mais celui de trouver d’emblée, comme pour le redoutable Malédiction dont Alfred Brendel jadis avait tout compris : œuvre étrange et rageuse qu’il faut tenir de bout en bout dans un tempo serré pour en exprimer tout le souffre. Comme dans le Premier Concerto, le père, Jean-Jacques Kantorow, tient la dragée haute à son fils, avivant les rythmes, tendant les phrasés, le portant plutôt que l’accompagnant.
Un bémol devant un jeu et un disque aussi contagieux ? Cette sonorité n’est pas encore tout à fait « faite », comme le laisse entendre le délicat Deuxième Concerto, où il faut plus de subtilité dans les timbres, de diversité dans les accents, une matière autrement mobile. Mais enfin, à dix-huit ans c’est déjà formidable, et cela se fera !
LE DISQUE DU JOUR
Franz Liszt (1811-1886)
Concerto pour piano No. 1
en mi bémol majeur, S. 124
Concerto pour piano No. 2
en la majeur, S. 125
Malédiction, pour piano et orchestre, en mi mineur, S. 121
Alexandre Kantorow, piano
Tapiola Sinfonietta
Jean-Jacques Kantorow, direction
Un album du label BIS-2100
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Photo à la une : © Vincent Bourre