Je me souviens encore du moment où je finissais d’entendre l’intégrale des Quatuors dédiés à Haydn de Mozart que les Klenke avaient fait paraître chez Hänssler : ce jeu mobile, sans appui, cette lumière des timbres me rappelaient les anciens quatuors viennois, les Barylli et autres Kölisch. Pourtant, Annegret Klenke et ses amies se sont rencontrées durant leurs études à Weimar, relativement loin de Vienne.
Mais je n’y peux rien, la nature de leur sonorité d’ensemble m’évoquait une manière perdue de jouer en quatuor. Littéralement, j’avais la sensation d’un voyage à rebours dans le temps, et voilà que cet effet se reproduit à l’écoute de leur dernier album, cette fois consacré à un compositeur pour lequel elles semblent être nées : Franz Schubert.
Attention, ne vous attendez pas à retrouver ici le jeu musclé et symphonique que les quatuors mettent à leur Schubert depuis les enregistrements du Quatuor Melos. Le geste des quatre dames est au contraire de cette manière. Sans le grand son des Alban Berg, leur discours fébrile est bien dans cette lignée sur-expressive mais pourtant jamais soulignée.
Une grâce quasiment mozartienne s’instille partout, et jusque dans les visions terrifiée du Quartettsatz qui ouvre leur disque. Le ton fantasque qu’elles mettent au si peu joué Quatuor D. 46 laissait penser que leur version du Rosamunde serait un nocturne enténébré. Et dès le premier thème de l’Allegro ma non troppo, murmuré, d’une désolation et d’une tendresse infinie, tout est dit.
Lecture entre chien et loup, qui se refuse à toute aspérité, mais vous fera entrer au plus profond de la lyre schubertienne. Les dames de Weimar nous doivent La Jeune fille et la Mort.
LE DISQUE DU JOUR
Franz Schubert
(1797-1828)
Quartettsatz – Mouvement (ou Quatuor No. 12) en ut mineur, D. 703
Quatuor à cordes No. 4
en ut majeur, D. 46
Quatuor à cordes No. 13
en la mineur, D. 804 « Rosamunde »
Quatuor Klenke
Un album du label Genuin GEN15360
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Photo à la une : © Marco Borggreve