Archet-monde

Alina Ibragimova ne fait rien comme personne, elle appartient à cette nouvelle génération de violonistes qui se servent de leur instrument à des fins expressives, sans plus se soucier du beau son – Patricia Kopatckhinskaja pourrait être artistiquement sa sœur jumelle.

Après une détonante intégrale des Sonates pour violon et piano de Beethoven (avec le Français Cédric Tiberghien, Wigmore Hall Live) où chaque mesure surprenait l’oreille, la voilà qui se confronte aux Sonates d’Ysaÿe, cahier écrit directement par le Diable auprès duquel les Caprices de Paganini sont des plaisanteries.

Il faut entendre les effets incroyables qu’Ibragimova tire de son violon dans le début de la Sonate « Ballade », c’est comme si les dessins de Rops s’invitaient dans la musique d’Ysaÿe. D’ailleurs, sous son archet, tout le cahier est frôlé par l’aile du bizarre, atteint à cette dimension entre rêve et cauchemar des toiles des peintres symbolistes qui furent les amis du violoniste, et font de l’audition intégrale du cycle une fantasmagorie où la virtuosité n’a plus de place, disparue derrière une narration intense, parfois irrespirable.

Ce cahier a connu une efflorescence de nouvelles versions assez incroyables depuis l’avènement du CD, souvent d’une qualité exceptionnelle, celle d’Alina Ibragimova ne s’y ajoute pas, elle regarde définitivement ailleurs et n’en finira pas de vous étonner. Puisse-t-elle poursuivre chez Ysaÿe en enregistrant les splendides poèmes pour violon et orchestre, vrais chefs-d’œuvre de leur compositeur, si peu courus au disque.

LE DISQUE DU JOUR

cover ysaye ibragimova hyperionEugène Ysaÿe (1858-1931)
Les 6 Sonates pour violon seul, Op. 27
No. 1 en sol mineur
No. 2 en la mineur
No. 3 en ré mineur, « Ballade »
No. 4 en mi mineur
No. 5 en sol majeur
No. 6 en mi majeur

Alina Ibragimova, violon

Un album du label Hypérion CDA67993
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Photo à la une : © DR