« Brahms est un homme de théâtre sous son épaisse barbe blanche, « Requiem » est son meilleur opéra ! ». C’est par cette véritable déclaration de guerre à la tradition qu’Hervé Niquet conclut ses notes d’intention dans le très artiste livre-disque qu’Evil Penguin Records Classic vient de publier. L’effort de l’éditeur est au niveau de cette entreprise iconoclaste. Pour Hervé Niquet, donc, même la liturgie protestante, quasi hors culte, du Requiem allemand, est un théâtre des émotions à l’égal des Cantates de Bach ou des grandes Messes de Zelenka. Et pourquoi pas ?
En tous cas, il met à nous convaincre un art certain du discours, du geste, emporte une partition que les cathédrales et les salles de concert enveloppent pieusement d’une sorte de sépulcre sonore depuis le début du XXe siècle. L’œuvre file, sans pour autant perdre sa consistance ni sa spiritualité, partout le verbe éclate ou rugit et peu importe que les chœurs de la Radio des Flandres ne soient pas les mieux armés pour un tel défi : ils vibrent et parlent, assemblée de fidèles proclamant la Parole, et habitant la Parabole.
Cette ardeur de dire, c’était celle jadis que mettaient Leonhardt et Harnoncourt à leurs Cantates de Bach, pas moins.
Dire que le visage du Requiem allemand est en bouleversé est une évidence, s’inquiéter que vous soyez perdu devant cette relecture drastique, un souci qui ne doit pas vous empêcher d’entendre ce disque imparfait et fulgurant dont le bémol reste une soprano trop modeste, surtout en face du chant angoissé de Tassis Christoyannis, psychopompe éloquent.
LE DISQUE DU JOUR
Johannes Brahms (1833-1897)
Ein Deutsches Requiem
(Un Requiem allemand), Op.45
Lore Binon, soprano
Tassis Christoyannis, baryton-basse
Flemish Radio Choir
Brussels Philharmonic
Hervé Niquet, direction
Un album du label Evil Penguin Records Classic EPRC 0019
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Photo à la une : © Eric Manas