Le plus grand disque d’Otto Klemperer ?
Selon moi oui.

Il faut dire que lorsqu’il entre au Kingsway Hall le 23 septembre 1961 pour diriger les premières sessions de son nouvel enregistrement de la Deuxième Symphonie de Gustav Mahler – il l’avait gravée une première fois au temps de la monophonie à Vienne dix ans plus tôt pour Vox – l’œuvre lui est consubstantielle depuis sa jeunesse. Il la connaissait dans ses moindres détails, avait reçu les conseils de Mahler pour l’orchestre en coulisse lors d’un concert en 1905, l’avait travaillée assidument avec Oskar Fried, en avait réalisé une réduction pour piano d’une finesse d’écriture et d’une précision sidérante. En même temps, cette partition où se résume son art de chef d’orchestre, semble à l’encontre de tout ce que Klemperer compositeur écrivit pour la formation symphonique. Mais l’homme comme l’artiste n’était pas à un paradoxe près.

Résurrection ? J’ai plutôt envie de vous dire paraphrasant Dante « Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir ».

D’ailleurs l’incendie du Maestoso vous en dépouillera, un ange de feu y répand une pure terreur et l’Andante se ressent encore de son incendie, plein de nuages de soufre, absolument in-tranquille. Le In ruhig fliessender Bewegung n’est qu’ironie et lorsque parait Hilde Rössl–Majdan, annonçant brièvement son « O Röschen rot !’ », on sait que l’Urlicht de donnera pas dans le sentiment.

Mais la prodigieuse mezzo viennoise, sur la clochette, déploie dès « Da kam ich auf einen breiten Weg » une tendresse esquissée désarmante, et Klemperer se laisse gagner. C’est entendu, l’enfer qui enfermait tout jusqu’ici, va céder, le Scherzo aura beau fulgurer, l’horizon s’ouvre, la lumière vient, mais Klemperer est toujours aussi minéral, aigle de marbre qui ordonne le paysage. Une Résurrection ? Une Exaltation vertigineuse qui aura tout saisi de cette œuvre-monde.

LE DISQUE DU JOUR

Gustav Mahler
(1860-1911)
Symphonie No. 2 pour solistes,
chœur et orchestre,
« Résurrection »

Elisabeth Schwarzkopf, soprano
Hilde Rössl-Majdan, mezzo-soprano
Philhamonia Chorus
Philharmonia Orchestra
Otto Klemperer, direction

Un album du label Warner 0825646090297
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Photo à la une : Le chef Otto Klemperer, en 1972 – Photo : (c) DR