Venu d’hier

C’est quelque chose l’équilibre. On a oublié que ce peut être une vertu. Écoutant avec retard le nouveau disque Bach d’Edna Stern où elle joue un Steinway fruité dans l’acoustique parfaite du Théâtre Impérial de Compiègne, je me surprenais à penser que ce piano n’était pas d’aujourd’hui.

D’abord par la délicatesse du toucher et sa lumière, ensuite par ce sens du discours où l’ornement n’est pas un réflexe mais un sensible, enfin par la fluidité d’un jeu à dix doigts où les polyphonies participent d’une harmonie irradiante. Ce qui n’empêche pas la parole de proclamer les notes en mots – écoutez un peu la Sarabande de la Sixième Partita, c’est dit de bout en bout, ornements, suspensions, apartés, ponctuations et commentaires compris, et cela tient dans une seule arabesque où jamais le son ne se suspend.

Qui jouait Bach comme cela ? Avec cette tendresse du son, cette lumière et derrière les ombres mouvantes ; ces trilles interrogatifs, et insistants ; ou encore avec le sens d’une surprise discrète, ténue ; avec ces plissés et déliés, ou cet art de la pédale très limité mais signifiant car le double échappement permet d’enrichir et d’alléger en même temps le discours harmonique ?

Marcelle Meyer.

Edna Stern l’a-t-elle réécouté ? Meyer avait pour elle le clavier un peu indocile d’un Pleyel, cela répétait parce qu’elle savait comment faire. Le Steinway offre probablement plus de confort, mais ses levées dans le timbre ou sur la résonance indiquent qu’elle sait adapter son jeu à une mécanique plus lourde. Le plus étonnant du disque est bien qu’elle l’anime de la sorte au long d’une Sixième Partita évidente qui indique à quel point l’œuvre lui est comme innée : écoutez le sujet de la gigue et sa mise en canon : cela chante toujours, ondoie, et d’ailleurs c’est tout le principe d’un disque où s’allient la poésie et la rhétorique : équilibre délicat qu’elle résout dans cette lumière tendre qui décidément est sa signature. Et maintenant les trois autres Partitas, please.

LE DISQUE DU JOUR

cover bach partita I edna stern orchid
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Partita No. 1 en si bémol majeur, BWV 825
Partita No. 2 en ut mineur, BWV 826
Partita No. 6 en mi mineur, BWV 830

Edna Stern, piano

Un album du label Orchid Classics ORC100050
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Photo à la une : La pianiste française Edna Stern – Photo : (c) DR