Bologne, Auditorium Manzoni, 10 décembre 2011, Claudio Abbado revient à la Grande de Schubert avec la dernière formation qu’il aura constituée sur un modèle selon son cœur : regrouper de jeunes musiciens en les encadrant par des premiers pupitres chevronnés.
En première partie de ce concert donné également plusieurs fois à Bolzano – le disque herborise durant ces diverses soirées de septembre – Maria João Pires jouait les Concertos Nos. 20 et 27, Deutsche Grammophon les a déjà publiés.
Mais cette ultime Grande Symphonie en ut qui accompagna Abbado de 1966 à la fin de sa vie était restée dans les tiroirs. Publication posthume et éclairante. N’attendez pas de l’Orchestra Mozart l’évidence schubertienne de Vienne ou de Berlin. Les instrumentistes questionnent l’œuvre autant qu’Abbado, il suffit d’entendre le modelé du cor dans la phrase initiale, sa diction courte, puis l’enlacement des polyphonies si chantantes aux cordes et bois pour comprendre que rien ici ne rappelle la tradition. Travail d’équilibriste. Abbado fait tout du long entendre et Mozart et Bruckner, il situe très exactement la Grande de Schubert au point nodal de l’histoire de la symphonie viennoise et, ainsi située, elle rayonne comme rarement.
Secret de cette quadrature du cercle, le respect de toutes les reprises sans pourtant que rien ne s’en trouve alourdi, et l’équilibre du rapport des tempos entre les mouvements. Ainsi on n’a plus deux marches puis deux allegros fulgurants, mais bien quatre structures distinctes conçues comme des mondes en soi, possédant leurs propres points d’équilibre. Le tempo mesuré du Scherzo en surprendra plus d’un, tant de chefs ont pris l’habitude de le cravacher, s’en servant en somme comme d’un propulseur pour le Finale, Abbado danse le Ländler et respire avec une poésie agreste le Trio. Il savait comme personne ciseler les détails sans perdre le sens de la phrase. Et faire chanter les diverses voix de ce qui n’est plus qu’un immense instrument chambriste.
Cet ultime disque d’un chef et d’un orchestre disparus dévoilent des instants de tendresse inouïe comme ce second thème de l’Andante con moto entonné sotto voce par les cordes – et lorsque les accords verticaux résonnent ce n’est plus un geste péremptoire mais l’harmonie qui rayonne. Disque majeur, décrié, inusable probablement.
LE DISQUE DU JOUR
Franz Schubert
(1797-1828)
Symphonie No. 9 en ut majeur, D. 944 « Grande »
Orchestra Mozart
Claudio Abbado, direction
Un album du label Deutsche Grammophon 4794652
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Photo à la une : (c) Peter Fischli / Festival de Lucerne