Au secret

Les deux opus de Janáček sont devenus au fil de l’enregistrement digital un point de passage obligé pour tous les quatuors : la complexité du discours, la profusion des arrière-plans, l’étrangeté même de l’écriture, tout les inscrit au sommet des quatuors du XXe siècle et leur rayonnement s’est étendu bien au-delà de la tradition des formations tchèques.

Voici que les Takács s’y risquent. Leur sonorité pleine, une véritable symphonie de timbres, hante littéralement la Sonate à Kreutzer : les tempos sont mesurés, le ton fiévreux, la tension inéluctable et pourtant il leur manque le tranchant des Pavel Haas (Supraphon), mais leur propos est sensiblement différent : écoutez simplement comment ils privilégient le chant dans le troisième mouvement plutôt que le brouillage dont Janáček le rompt régulièrement.

Guidés qu’ils sont par cette muse lyrique, le sommet de l’album est bien entendu le Deuxième Quatuor, dont les épisodes psychologiques s’enchaînent sans reprendre souffle. Les Lettres intimes deviennent sous leurs archets tendres un second Journal d’un disparu, un véritable petit opéra. C’est aussi dans la sphère de la confession qu’ils sont allés chercher l’œuvre ouvrant le disque, le Premier Quatuor de Smetana « De ma vie », qui servit de modèle à ceux de Janáček. Derrière la vêture plus romantique, les Takács traquent les sentiments ambigus, et déploient un jeu si lyrique qu’on aimerait bien entendre sous leurs archets le Second Quatuor.

LE DISQUE DU JOUR

cover janacek string quartets takacs
Leoš Janáček (1854-1928)
Quatuor à cordes No. 1, JW VII/8 « Sonate à Kreutzer »
Quatuor No. 2, JW VII/13 « Lettres intimes »
Bedřich Smetana (1824-1884)
Quatuor No. 1 en mi mineur, JB 1:105 « Z mého života
(De ma vie) »

Quatuor Takács

Un album du label Hyperion CDA67997
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Photo à la une : (c) DR