Découvrant les films réalisés lors de la libération des survivants d’Auschwitz, les mots manquèrent à Wilfred Josephs, au point qu’il écrivit un quatuor enténébré. Son titre « Requiescant pro defunctis » avouait de fait un requiem sans liturgie. Puis finalement, en 1963, il ajouta à son quatuor un orchestre, un baryton et un chœur, de quoi dire le Kaddish.
L’œuvre désolée, poignante, spectrale, lui valut le Premier Prix du Concours de Composition de la Ville de Milan, alors la distinction suprême pour les nouvelles partitions. Nino Sanzogno la créa à Rome, Carlo Maria Giulini à Chicago, David Measham l’enregistra en présence du compositeur à Adelaide en 1982 pour les micros d’Unicorn, disque qui fut encensé par la presse britannique mais ne passa jamais la Manche.
Le voici réédité, en compagnie d’un autre album consacré à une des douze symphonies qu’il aura laissées – la Cinquième – et aux Variations sur un thème de Beethoven. Son orchestre inventif, l’habileté de son écriture, la poésie souvent étrange de la 5e Symphonie (sous–titrée « Pastorale ») signent un art certain, mais le Requiem possède une puissance d’émotion que le compositeur ne retrouvera pas. Robert Dawe y met son baryton ému, David Measham conduit ce voyage fantôme en l’ourlant de poésie – une expérience.
Bruno Maderna vécut la Seconde Guerre mondiale du côté des résistants italiens, alors qu’il était encore élève de Malipiero. En 1945, il s’attela à la composition d’un requiem où le massacre des juifs est omniprésent derrière la liturgie latine.
Œuvre bouleversante, achevée en 1946, et que l’on crut définitivement perdue. En 1949, le compositeur avait fait son aggiornamento en passant du côté des dodécaphonistes, abandonnant cette grande partition encore coulée dans la tradition tonale : des influences de Malipiero et du premier style de Petrassi s’y font entendre.
Finalement, la partition émergea en 2007 et fut crée à La Fenice en novembre 2009, trente six années après la mort de son auteur. C’est un ajout majeur à la littérature sacrée du XXe siècle, placé sous le signe de Stravinski dont la Symphonie de psaumes est citée, et probablement le plus éloquent Requiem du siècle passé avec ceux de Benjamin Britten et de John Foulds.
Frank Beermann y dirige le cérémoniel ému et la turba rageuse avec un lyrisme incandescent, rendant justice à cette Atlantide qui nous append d’où venait le génie si singulier de Bruno Maderna.
LE DISQUE DU JOUR
Wilfred Josephs
(1927-1997)
Requiem, pour baryton-basse, chœur, quatuor à cordes et orchestre, Op. 39
Variations sur un thème de Beethoven, Op. 68
Symphonie No. 5, Op. 75 “Pastorale”
Robert Dawe, baryton-basse
Adelaide String Quartet
Adelaide Chorus
Adelaide Symphony Orchestra
David Measham, direction
Un album de 2 CD du label Lyrita SRCD2352
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Bruno Maderna
(1920-1973)
Requiem
Diana Tomsche, soprano
Kathryn Göring, mezzo-soprano
Bernhard Berchtold, ténor
Renatus Meszar, basse
MDR-Rundfunkchor Leipzig
Robert Schumann Philharmonie
Frank Beermann, direction
Un album du label Capriccio C5231
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Photo à la une : Deux compositeurs italiens, Bruno Maderna et Luigi Nono, de dos – Photos : © DR