Voici déjà dix ans, Decca regroupait en un coffret toutes les gravures que Zara Nelsova avait enregistrées pour le label britannique. Le bonheur de retrouver son violoncelle éloquent, ses phrasés si assumés, la diversité de ses registres, me rappelait à quel point j’avais chéri son disque Bloch où Ernest Ansermet l’accompagnait pour un Schelomo d’anthologie mais aussi pour le mystérieux « Voix dans le désert ». Decca, éditeur qui toujours eu de la suite dans les idées, la stéréophonie venue, fit enregistrer un remake de ce disque unique par János Starker et Zubin Mehta, mais malgré cette nouvelle splendeur, je revenais toujours au lyrisme ardent de Zara Nelsova.
Quelle surprise de recevoir aujourd’hui un précieux coffret de quatre CD regroupant les enregistrements consentis par la violoncelliste canadienne au RIAS de Berlin entre 1956 et 1965. Pas de Bloch, hélas, mais on retrouve quelques œuvres gravées pour Decca, le Concerto de Dvořák et trois Sonates de Beethoven, tout le reste constitue des ajouts au répertoire discographique qu’elle engrangea pour son éditeur. Quelle aubaine !
Les doublons d’abord : le Dvořák est plus impérieux que l’officiel, dirigé très classique par Josef Krips, alors que Georg Ludwig Jochum l’emporte ici avec ce lyrisme qui suscite immédiatement un écho enflammé chez la violoncelliste. Pour les trois Sonates de Beethoven, le jeu est égal entre les faces Decca et les bandes de Berlin, avec à Berlin une fantaisie supplémentaire, quelque chose d’improvisé qui correspond mieux à l’écriture des deux Opus 5. Mais l’apport du coffret reste l’extension du répertoire documenté : un prodigieux Concerto de Schumann, rhapsode, visionnaire, encore une fois animé par le frère d’Eugen Jochum, un Premier Concerto de Milhaud plein d’humour et d’invention, avec juste ce qu’il faut de nonchalance, mais surtout un Premier Concerto de Kabalevsky qui chante et raconte et nous fait regretter qu’elle n’ait pas enregistré les deux Concertos de Chostakovitch.
Ajout également majeur, les deux Sonates de Brahms où son archet serre la corde, soucieux de dire plus que d’enchanter comme dans les Fantasiestüke de Schumann dont le Rasch und mit Feuer sonne halluciné.
Le grand œuvre de cet ensemble précieux ? Probablement trois Suites de Bach sur six – les BWV 1008, 1009 et 1012 où la violoncelliste déploie toute la variété de son jeu, attaques, legato, couleurs, rythmes, la danse s’y invite jusque dans la méditation, elle retrouve de son archet précis le ton si pénétrant qui mettait Pablo Casals, rien moins.
Hommage magnifique à une artiste majeure, trop peu présente au disque.
LE DISQUE DU JOUR
Zara Nelsova – RIAS Recordings – Berlin, 1956-1965
Cello Concertos, Sonatas & Suites
Antonín Dvorák (1841-1904)
Concerto pour violoncelle
No. 2 en si mineur, Op. 104
Robert Schumann
(1810-1856)
Concerto pour violoncelle en la mineur, Op. 129
Fantasiestücke, pour violoncelle (ou clarinette) et piano, Op. 73
Darius Milhaud (1892-1974)
Concerto pour violoncelle et orchestre No. 1, Op. 136
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Suite pour violoncelle seul No. 2 en ré mineur, BWV 1008
Suite No. 3 en ut majeur, BWV 1009
Suite No. 6 en ré majeur, BWV 1012
Luigi Boccherini (1743-1805)
Sonate pour violoncelle No. 4 en la majeur, G. 4
Ludwig van Beethoven (1770-1727)
Sonate pour violoncelle et piano No. 1 en fa majeur, Op. 5 No. 1
Sonate No. 2 en sol mineur, Op. 5 No. 2
Sonate No. 5 en ré majeur, Op. 102 No. 2
Johannes Brahms (1833-1897)
Sonate pour violoncelle et piano No. 2 en fa majeur, Op. 99
Sonate No. 1 en mi mineur, Op. 38
Dimitri Kabalevski (1904-1987)
Concerto pour violoncelle et orchestre No. 1 en sol mineur, Op. 49
Zara Nelsova, violoncelle
Lothar Broddack, piano
Radio-Symphonie-Orchester Berlin
Georg Ludwig Jochum, Gerd Albrecht (Kabalevski), direction
Un coffret de 4 CD du label Audite 21.433
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Photo à la une : (c) Decca Classics