Lakeville, mai 1956 : Wanda Landowska célèbre le bicentenaire Mozart en enregistrant chez elle les Sonates K. 282, 283, 311 et K. 333 ainsi que le Rondo K. 511 et les Danses K. 606. Les ingénieurs du son de RCA ont arrangé tant bien que mal le salon de musique pour obtenir une captation fidèle et relativement aérée du très beau Steinway de 1942 que la succursale de New York lui a offert, instrument merveilleux, boisé, aux aigus de flûte, qu’elle joue avec des tendresses incroyables.
Comme ce Mozart est plein de confidences, serein, joué avec une sorte de douceur qui autorise des précisions de timbres, de phrasés, de respirations assez inouïes. Je me souviens de mon étonnement en écoutant les bandes dans le studio de RCA France, rue Matignon. Ces albums n’avaient plus paru depuis leurs éditions originales, il fallait les rendre à nouveau accessibles.
Deux semaines plus tard, d’autres bandes nous parvenaient des Etats-Unis : cette fois, les sessions Haydn enregistrées les deux années suivantes. Elles rejoignirent les Mozart dans un coffret de quatre microsillons que je thésaurise toujours avec amour. Mais voilà qu’enfin ces disques relativement rares reparaissent au CD : Mark Obert-Thorn les restitue fidèlement d’après les microsillons de l’album que nous avions assemblés avec Jacques Meunier. Bravo !
La tendresse du jeu, le cantabile qui n’exclut pas les ponctuations, l’échelle dynamique tenue, et pour la subtilité des timbres, à la fois l’appui sensible du toucher et un jeu de pédale savant, tout cela fait des merveilles chez Mozart, dans les Sonates ailées, dans le Rondo sans pathos, dans la fantaisie des Danses où pointe une pincée d’humour. Des modèles.
Chez Haydn, la variété des timbres se prononcent plus dans les deux Sonates, mais le miracle de ces sessions trop courtes reste l’Andante et Variations en fa mineur, où Landowska rejoint la lumière évidente qu’y mettait Clara Haskil dans un de ses premiers 78 tours.
Mark Obert-Thorn ajoute les gravures His Master’s Voice de l’entre-deux guerres, bien connues. On ne sait pas assez qu’elles sont des rescapées : Denise Restout rappelait que les Nazis avaient ordonné la destruction de toutes les matrices de ses enregistrements parisiens non encore parus : sur les cinq Sonates de Mozart, seuls les K. 332 et 576 échappèrent au saccage, ainsi que quelques faces de la Sonate K. 311.
Avec le célèbre enregistrement du Concerto No. 26 dirigé par Walter Goehr, avec sa cadence magique paraphrasant Le Nozze di Figaro, ce premier ensemble Mozart, alerte, scintillant et profond à la fois, éclairent les gravures tardives d’une sensualité qu’on n’associe pas d’emblée au jeu de Landowska ; mais à vingt ans de distance, le style, l’éloquence, la simplicité signent bien la pérennité de son art.
LE DISQUE DU JOUR
Wanda Landowska
The Complete Piano Recordings
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour piano et orchestre No. 26 en ré majeur, KV 537 « Couronnement »
Fantaisie en ré mineur, KV 397
Rondo en la mineur, KV 511
6 Danses allemandes, KV 606
Sonate pour piano No. 12 en fa majeur, KV 332
Sonate pour piano No. 18 en ré majeur, KV 576
Sonate pour piano No. 9 en ré majeur, KV 311 (2 versions)
Sonate pour piano No. 4 en mi bémol majeur, KV 282
Sonate pour piano No. 5 en sol majeur, KV 283
Sonate pour piano No. 13 en si bémol majeur, KV 333
Franz Joseph Haydn (1732-1809)
Andante et variations pour clavier en fa mineur, Hob XVII:6
Sonate pour piano (No. 53) en mi mineur, Hob XVI:34
Sonate pour piano (No. 59) en mi bémol majeur, Hob XVI:49
Wanda Landowska, piano
Un coffret de 3 CD du label APR 7305
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Photo à la une : © DR