Un violoniste pour Sibelius

Y aurait-il un second Sibelius, celui du charme pur, du bonheur mélodique, d’une certaine évidence ? En retirant le Concerto de ce qui aurait pu être une intégrale de l’œuvre pour violon et orchestre de Sibelius, Nicolas Dautricourt semble vouloir y acquiescer.

Semble seulement, car justement en laissant de coté l’Opus 47 il expose la qualité première de ces pages brèves : le caractère. Ouvrir son disque avec les deux Humoresques Op. 87 vaut pour manifeste, Sibelius y piquant la ligne mélodique d’accents étranges, la tordant jusqu’au bizarre. À cela, le jeune violoniste ajoute un archet fantasque, narquois, cherchant une diversité d’attaques rappelant ce qu’y faisait jadis Salvatore Accardo. Comme lui, il le voit le grand dans le petit.

Disque en partie à rebours, qui des derniers opus remonte aux premiers. La sève populaire des 4 Pièces de caractères de l’Opus 89 est jouée à la corde, avec un esprit diabolique et une virtuosité mordante – Sibelius écrit son violon difficile, en triompher n’est pas à la portée de tout le monde, en saisir si bien l’esprit moins encore. Les Deux Pièces Op. 77, où l’orchestre subtilement composé d’Alejandro Garrido Porras ouvre des paysages profonds, chantent comme les lieder qu’elles sont, les deux Sérénades sont désarmantes de mélancolie, les deux petits cycles avec piano subtilement accompagnés par le clavier miroir de Juho Pohjonen d’une fraîcheur assez irrésistible.

Au milieu de l’album, Nicolas Dautricourt a placé le triptyque de la Suite Op. 117, la « suite en plein air » de Sibelius où le compositeur mêle l’élan rhapsodique à de vraies-fausses mélodies populaires, avec un imaginaire savoureux, déambulations d’un violon un peu ivre dans des paysages brossés d’un pinceau très fin. Une merveille désarmante dont le violoniste saisit toutes les ambigüités.

Secondaire osais-je avancer au début ? Non, tout cela est du vrai Sibelius, et du plus secret, c’est justice qu’un violoniste du calibre de Nicolas Dautricourt mette son archet plein de caractère et d’élan à ces pièces méconnues, méprisées. Et maintenant, le Concerto, qu’il devrait coupler avec celui de Nielsen.

LE DISQUE DU JOUR

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Jean Sibelius (1865-1957)
2 Humoresques pour violon et orchestre, Op. 87
4 Humoresques pour violon et orchestre, Op. 89
2 Pièces pour violon et orchestre, Op. 77 [ I. Cantique (Laetare anima mea) – II. Devotion (Ab imo pectore)]
Suite pour violon et orchestre, Op. 117 (I. Scène de campagne – II. Soir de printemps – III. A l’été)
5 Pièces pour violon et piano, Op. 81
2 Pièces pour violon et piano, Op. 2

Nicolas Dautricourt, violon
Juho Pohjonen, piano
Orquestra Vigo 430
Alejandro Garrido Porras, direction

Un album du label La Dolce Volta LDV23
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Photo à la une : © DR