Tiens, voici qu’Iván Fischer me prend à rebrousse-poil. Dans la Quatrième Symphonie de Brahms, habituellement les lignes se tendent, l’harmonie éclate, la forme impérieuse dévore tout et pas seulement dans la passacaille du Finale. Mais non, Fischer tourne le dos à cet exercice formel et nous entraine dans les collines et les forêts. Une pastorale à l’égal de la Deuxième Symphonie ?
Oui, et magique, je ne vous dis que cela. Une direction attentive y préfère à la ligne de force des camaïeux de couleurs, des paysages qui n’en finissent pas de se succéder, tout un album d’atmosphères changeantes comme un ciel où le soleil joue dans des nuages d’automne. Ce morcellement qui induit dans la conduite rythmique une fébrilité un rien inquiète fait d’abord entendre la splendeur sonore de son orchestre, violon en soie, flûtes argentées, clarinette boisée, et ses équilibres chambristes, mais aussi une sorte d’amertume savamment masquée derrière cette nostalgie qui déborde dans des phrasés autant parlés – les subtilités dynamiques y abondent – que chantés : car lorsqu’il faut phraser – le volet central de l’Andante – Fischer ose, y compris dans des affirmations de rythmes qui en surprendront plus d’un. Ils n’auront qu’à rouvrir la partition.
Comme toujours, sous la vêture la plus somptueuse, le chef magyar aura scruté le texte dans ce qui apparaît comme une intégrale bientôt bouclée, lui qui fustige pourtant l’idée de graver un cycle complet : seule la Troisième Symphonie nous manque désormais.
Les trois Danses hongroises placées en complément sont savoureuses, Fischer s’en est fait une spécialité, les enregistrant au complet par deux fois déjà. Il n’y ajoute pas le cymbalum comme jadis mais procède autrement pour rappeler le caractère populaire, faisant précéder la version orchestrale de la Troisième Danse par une proposition cherchant à évoquer sa source villageoise en la confiant à un violoniste, un altiste et un contrebassiste issus de l’orchestre. Mais la vraie merveille de ce triptyque reste la Onzième Danse, tempo très retenu, archet en soie, mélancolie crépusculaire.
LE DISQUE DU JOUR
Johannes Brahms (1833-1897)
Symphonie No. 4 en mi mineur, Op. 98
Danse hongroise No. 11
en ré mineur
Danse hongroise No. 3
en fa mineur
Danse hongroise No. 7
en la mineur
Orchestre du Festival de Budapest
Iván Fischer, direction
Un album du label Channel Classics CCS SA35315
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Photo à la une : © Marco Borggreve