Antonio Janigro emmena souvent ses Solistes de Zagreb, un ensemble de douze instrumentistes à cordes qu’il avait créé en 1954, pour des tournées de concerts en Allemagne. Ceux-ci se doublaient d’enregistrements pour les diverses stations de radio du pays. Audite a herborisé ce choix parfait qui rend justice au répertoire si varié abordé par cette équipe de virtuoses en prenant un écho de chacune des visites qu’ils firent au studio de la Villa Siemens de 1957 à 1964.

Vertigineux les tempos de la 6e Sonate de Rossini, comme d’ailleurs une fois passée l’Intrada ceux du Concerto grosso en ré majeur de Corelli : on ne jouait pas ce répertoire aussi alerte, aussi vivant alors en Allemagne où régnait encore le legato somptueux de Karl Münchinger.

Mais la surprise de ce très bel hommage vient plutôt du côté des modernes : le ton ému de la Trauermusik d’Hindemith où l’alto de Stefano Passagio prie littéralement, l’élégance désolée de l’Adagio de Barber ou la poésie de l’Andante lyrique de Reger, les inflexions hongroises de l’Improvisation concertante que Milko Kelemen écrivit à leur intention et qui rappelle plutôt Bartók que la musique populaire croate, le mordant du jeu d’attaque dans le Scherzo de l’Octuor de Chostakovitch, tout cela compose le vrai portrait d’un ensemble qu’on a trop souvent rangé dans la poussière des formations pour le répertoire baroque stylistiquement dépassées.

Et Antonio Janigro à son violoncelle ? Il faut attendre la fin du disque pour l’entendre s’approprier un Concerto pour violon de Vivaldi qu’il s’était lui-même transposé. Il y chante modestement, avec un peu moins de timbres qu’il n’en mettait dans ses récitals, musiciens parmi ses musiciens. C’est diablement émouvant.

LE DISQUE DU JOUR

Berlin, 1957-1966

Arcangelo Corelli
(1653-1713)
Concerto grosso en ré majeur, Op. 6 No. 4
Gioacchino Rossini
(1792-1868)
Sonate pour cordes No. 6
en ré majeur
Paul Hindemith (1895-1963)
Trauermusik (Musique funèbre), pour alto et cordes
Dmitri Chostakovitch (1906-1975)
Octuor pour cordes, Op. 11 (II. Scherzo)
Samuel Barber (1910-1981)
Adagio pour cordes
Milko Kelemen (né en 1924)
Improvisation concertante pour cordes
Max Reger (1873-1916)
Liebestraum – Andante lyrique pour cordes
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Divertimento pour cordes en si bémol majeur, KV 137/125b
Franz Joseph Haydn (1732-1809)
Quatuor à cordes en fa majeur, Op. 3 No. 5 Hob.III:17 (II. Andante cantabile)
Antonio Vivaldi (1678-1741)
Concerto pour violon, cordes et basse continue en ré majeur, RV 230
(No. 9, extrait de « L’Estro armonico », Op. 3 ; arr. pour violoncelle)

Les Solistes de Zagreb
Antonio Janigro, violoncelle et direction

Un album du label Audite 95639
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Photo à la une : © DR