Le voyage continu. Après un Premier Livre très en lumière, Pietro de Maria nous redit son Clavier bien tempéré si évident, le menant à son terme. Simple, simplissime, fluide et pourtant plein d’interrogations (écoutez les sinuosités du Prélude BWV 882, la polyphonie qui s’y déploie, naturelle, organique et pourtant inquiète).
L’éloquence sans appui qu’il met aux fugues a souvent quelque chose de chorégraphié : la science s’en absente pour faire voir des danseurs et parfois même un théâtre. Ce Bach si vivant, si senti, ignore volontairement l’emprise de la forme.
La rondeur du Steinway que joue ici Pietro de Maria – son toucher si souple et si évocateur me rappelle celui de Gieseking – la douceur des contrepoints qui rayonnent dans l’harmonie au lieu de se bousculer dans les phrasés, la pureté des teintes jusque dans les accords les plus boisés, et cette manière de recueillement allègre délivrent cet alpha du clavier de toute scholastique.
C’est justice, c’est évidemment en tous points un anti-Gould qui pourra surprendre ceux pour qui Bach fait lever les doigts : ici, ils sculptent dans l’ébène et l’ivoire, jamais dans le marbre. Et lorsque l’ultime Prélude résonne – danse légère qui se pare de teintes toutes automnales – on sait que la dernière Fugue sera aussi une danse, un fandango plein de caractère et d’élégance.
Voila, et maintenant s’il vous plait les Suites anglaises !
LE DISQUE DU JOUR
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Le Clavier bien tempéré, Livre II (Intégrale)W
Pietro de Maria, piano
Un album de 2 CD du label Decca 4812361
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Photo à la une : (c) DR