Il est des disques comme ceux-ci que je ne veux pas remiser, et sur lesquels je ne veux pas écrire dans l’instant : la concentration mais aussi le rêve que leur écoute suppose empêche d’ailleurs la glose.
Voilà bien deux mois que les opus pour violoncelle et piano de Beethoven selon Xavier Phillips et François-Frédéric Guy reviennent dans ma platine, et depuis une semaine au soleil couchant, la Sonate en la majeur résonne, ombreuse.
Phillips serait-il devenu le maître des violoncellistes de sa génération, faisant jeu égal avec Jean-Guihen Queyras ? Sa version de Tout un monde lointain gravée à Seattle avec Ludovic Morlot m’avait étreint, ses Beethoven altiers, lancés, d’une telle vigueur, d’un tel caractère me transportent : cet archet là joue avec une fougue, produit un son si concentré, précis, mordant ou chantant dans la même mesure, je crois bien ne pas avoir entendu les Sonates à ce point incarnées dans la vérité du texte, sinon par Pierre Fournier dans sa gravure avec Friedrich Gulda, mais c’était un tout autre style, et en fait une autre époque déjà.
C’est ici le Beethoven inextinguible, irrépressible qui éclate au long de ses deux disques commencés par les cahiers de Variations et poursuivis par les Sonates. Je savais bien que François-Frédéric Guy porterait avec ardeur ce caractère absolu, cette langue impérieuse, dont il a fait son pain quotidien. Arrêtons nous d’ailleurs un instant sur cela.
Voici peu, en diner d’amitié chez André Tubeuf et avec Étienne Moreau, nous vaticinions sur les pianistes d’aujourd’hui, et tombions d’accord sur le fait que ceux qui ne jouent pas Beethoven, plus, qui ne se sont pas formés leur doigts et leurs musiques dans Beethoven, ne sont pas des pianistes absolus. Et évidemment, le nom de l’élu nous est tombé des lèvres en même temps : François-Frédéric Guy. Étienne Moreau rappelait illico qu’il tenait sa Hammerklavier princeps, disque de ses débuts chez harmonia mundi, pour l’une des meilleures jamais enregistrées, André Tubeuf rappelait ses Sonates et ses Concertos avec Jordan et dans ma tête fusait le giocoso insensé avec lequel il emporte de son piano solaire l’Allegro vivace qui clôt la Sonate en la majeur.
Le lendemain, je repassais les deux disques, et cette fois me jurait bien d’écrire quasiment après tout le monde – un comble dans Discophilia ! – toutes les joies musicales que distille cette intégrale subtilement captée. Partagez-les avec moi.
LE DISQUE DU JOUR
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Les cycles de variations avec violoncelle
12 Variations en sol majeur sur « See, the Conqu’ring Hero Comes » du Judas Maccabaeus de Haendel, WoO 45
7 Variations en mi bémol majeur sur « Bei Männern, welche Liebe fühlen » de La Flûte enchantée de Mozart, WoO 46
12 Variations en fa majeur sur « Ein Mädchen oder Weibchen » de La Flûte enchantée de Mozart, Op. 66
Les Sonates pour violoncelle et piano
Sonate No. 1 en fa majeur, Op. 5 No. 1
Sonate No. 2 en sol mineur, Op. 5 No. 2
Sonate No. 3 en la majeur, Op. 69
Sonate No. 4 en ut majeur, Op. 102 No. 1
Sonate No. 5 en ré majeur, Op. 102 No. 2
Xavier Phillips, violoncelle
François-Frédéric Guy, piano
Un album du label Evidence EVCD015
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Photo à la une : Le violoncelliste Xavier Phillips – Photo : © Caroline Doutre