La révélation Godard

Quel musicien ! Récemment, l’Opéra Royal de Versailles révélait son Dante et BéatriceVéronique Gens défaillit sur ses derniers mots. Un double choc. Depuis, la soprano s’est remise, mais moi non.

J’étais loin de soupçonner l’ardente musique d’un compositeur tiré enfin de son purgatoire par les soins du Palazzetto Bru Zane. Car Godard est un maître, et non cet épigone qu’on croyait, un génie singulier de la même trempe que Gouvy et l’un des héros du romantisme français, ce que souligne à merveille le premier disque d’œuvre d’orchestre publié par CPO – j’espère bien que l’ambitieux label allemand a programmé une intégrale de sa musique symphonique tant ce disque m’a saisi.

Comme Gouvy, Godard apprit son métier de compositeur en parcourant les partitions de Schumann et de Mendelssohn, il a fait entrer dans la symphonie française ce sens de l’architecture, cet orchestre profus, en y ajoutant des couleurs subtiles et en menant un discours mélodique étonnant. Si sa carrière à l’opéra fut brillante – nous avons tous la berceuse de Jocelyn dans l’oreille – celle au concert ne le fut pas moins : le chef était autant fêté que le compositeur, il dirigea d’abondance ses œuvres chez Pasdeloup, remportant succès sur succès.

Une part des onze symphonies qu’il composa – seul six furent publiées – se coule dans la veine aujourd’hui tarie des symphonies descriptives. La Symphonie gothique en est un exemple majeur, on voit comment Godard suscitait l’enthousiasme de son public en lui imposant des images musicales fortes. Mais c’est pourtant lorsqu’il renonce à l’illustration qu’il atteint son vrai génie : la grande Symphonie Op. 57 montre la puissance de ses conceptions et la hardiesse de sa réalisation.

Les Trois Morceaux Op. 51 dévoilent son art d’orchestrateur, ses alliages sonores singuliers si suggestifs, que ce soit dans l’évocation d’une kermesse ou dans la sensualité exotique de La Brésilienne. Bravo à David Reiland, jeune maestro belge qui entraîne avec art et éloquence le formidable Orchestre de la Radio de Munich : j’attends déjà la suite avec impatience.

LE DISQUE DU JOUR

cover godard reiland cpoBenjamin Godard (1849-1895)
Symphonie gothique, Op. 23
Symphonie No. 2 en si bémol majeur, Op. 57
3 Morceaux, Op. 51

Münchner Rundfunkorchester
David Reiland, direction

Un album du label CPO 555044-2
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Photo à la une : (c) DR