Au long des années soixante-dix, Daniel Barenboim enregistra tout un cycle Elgar avec l’Orchestre Philharmonique de Londres pour la CBS. Clou de la série, le remake du Concerto pour violoncelle avec celle qui était devenu son épouse, Jacqueline du Pré.
Pourtant, je lui préférais de magiques Sea Pictures avec Yvonne Minton et surtout une Première Symphonie très subtilement menée. Secret de cette version lyrique, le choix de modeler le discours d’Elgar en jouant d’un tempo infiniment changeant, exercice difficile pour l’orchestre – Elgar l’écrit bien plus complexe qu’il n’y paraît à l’écoute – mais salutaire pour l’œuvre.
Voila qu’après une Seconde Symphonie peu probante, il revient devant la Staatskapelle de Berlin pour oser la Première. Je pleure l’instabilité des tempos, la fluidité des rythmes qui se dégageaient si naturellement des pupitres londoniens : à Berlin, le métronome se tient, réduisant un peu le propos, mais sous cette gaine parfaite, Barenboim retrouve une liberté dans des plans dynamiques très subtilement modelés qui font entendre l’incroyable bouillonnement polyphonique de cet orchestre : l’Allegro molto, scherzo fuligineux, proclame combien l’art du chef est resté au cœur même du propos d’Elgar.
Le Finale, où le portrait du Général Gordon devant Kartoum se transforme en hymne, est diablement émouvant, hésitant entre un geste colonial héroïque et des retraits lyriques où la gamme dynamique va vers l’éther, se suspend, fait chanter d’incroyables gris colorés. C’est décidément bien vu. Après les deux Symphonies, Barenboim poursuivra-t-il ses retrouvailles avec Elgar ?
LE DISQUE DU JOUR
Sir Edward Elgar (1857-1934)
Symphonie No. 1 en la bémol majeur, Op. 55
Staatskapelle Berlin
Daniel Barenboim, direction
Un album du label Decca 4789353
Acheter l’album sur Amazon.fr – Télécharger l’album en haute-définition sur Qobuz.com
Photo à la une : © DR