Trois cartes

Voilà une grande « Pikova Dama », probablement l’une des plus étreignantes que j’ai entendues depuis les deux gravures de Samuel Samossoud (une pour le disque, l’autre pour le cinématographe). Ce n’est pas que la direction très stricte mais non sans angoisse de František Dyk puisse lui être comparée : il n’ose pas l’expressivité virale du chef moscovite ; mais enfin, cette timbale oppressive qui vient briser le chant d’Hermann face à Lisa à la fin du premier acte en dit assez sur ce qu’il sait et ressent face au chef-d’œuvre de Tchaikovski.

Hermann c’est Beno Blachut, le plus accompli « joueur fatal » avec Khanaïaev, Nelepp et Ochman, aigus désespérés, graves sépulcraux : la Voix ! Lisa revient au plus ardent soprano lyrique praguois de sa génération, Drahomíra Tikalová, dont la grande voix ne craint jamais le vertige des aigus : tous les amoureux de Janáček thésaurisent sa gravure légendaire de Katia Kabanova. Entre ces deux-là, c’est à la vie à la mort.

Mais lorsque paraît Marta Krásová, Comtesse au français parfait, terrifiante sans être grotesque, confrontée à la mort, souveraine et pourtant terrorisée, et revenue en spectre comme une prophétesse sadique, vous saurez que vraiment ici, l’enfer s’est réalisé. Ah oui, au fait, c’est chanté en tchèque.

LE DISQUE DU JOUR

damaPiotr Ilich Tchaikovski (1756-1791)
La Dame de Pique

Beno Blachut, ténor (Hermann)
Drahomíra Tikalová, soprano (Lisa)
Marta Krásová, contralto
(La Comtesse)
Václav Bednář, baryton (Tomsky)
Marie Cyterakova, mezzo-soprano (Pauline)
Ladislav Mráz, baryton-basse (Surin)
Theodor Šrubař, baryton (Yeletzky)

Chœur et Orchestre de la Radio de Prague
František Dyk, direction

Un album de 2 CD du label Linn Records 5.01899

Photo à la une : © DR