Yolanta Skura, disposant ses micros en mars 1982 dans l’église londonienne de St. Giles-without-Cripplegate, savait-elle qu’elle allait capter l’un des plus beaux disques que nous aura jamais offerts John Eliot Gardiner ? Et l’un de ses plus méconnus au final : deux rééditions vite épuisées auront seules succédé à la parution initiale de 1984.
Le monde est vraiment mal fait : impatient d’enrichir son catalogue ramiste, Michel Garcin avait publié l’année précédente l’écho sonore du Dardanus présenté à l’Opéra de Paris dans la méchante remouture signée et dirigée par Raymond Leppard, prudemment enregistré hors représentations dans le cadre plus calme de l’Église Notre-Dame du Liban, car sous les ors de Garnier le spectacle de Lavelli déchaînait les passions. Mais Gardiner n’en démordit pas, il voulait son Dardanus, puisque qu’il ne l’aurait pas à l’opéra, il ferait entrer tout l’opéra dans les musiques d’orchestre.
Voilà comment ce disque éclatant et fin, où brille une grammaire précise et suggestive, montre tout de la symphonie ramiste, raffinée et émouvante, des paysages et des personnages, un vrai théâtre d’instruments. IL faudrait un traité pour détailler ce que Gardiner et ses musiciens produisent ici en termes de couleurs, de phrasés, de sentiments et d’évocations. Écoutez seulement les deux Menuets de l’Acte III, ce pas ailé, cette harmonie opulente et qui ne pèse pas plus qu’une plume, merveille confondante de pure poésie. Et ce sommeil aussi légendaire que celui d’Atys. Disque historique, absolument.
LE DISQUE DU JOUR
Jean-Philippe Rameau (1683-1764)
Dardanus (suite d’orchestre)
English Baroque Soloists
Sir John Eliot Gardiner, direction
Un album du label Erato (Collection “The Erato story”) 0825646419340
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Photo à la une : © Chris Christodoulou